Thursday, May 1, 2008
LES NOUVEAUX EMERGENTS (CHINE, INDE ET BREZIL), MARGINALISERONT-ILS LES INSTITUTIONS DE BRETTON WOODS?
AVEC LES MILLIARDS POMPE PAR LA CHINE, L'INDE ET LE BREZIL(LES NOUVEAUX RICHES), FAUT-IL DIRE LA FIN D'UN DIKTAT FINANCIER EST PROCHE?
Le regain de tensions entre la Belgique et la République démocratique du Congo a sonné le glas d’une époque : celle d’une « coopération classique » telle qu’entretenue, sous diverses formes, par les institutions de Bretton Woods. Les officiels belges, en déplacement à Kinshasa, ne se sont donc pas trompés en avouant clairement la fin de cette « coopération classique ». La raison principale de ce retournement de situation est l’arrivée de nouveaux riches dans l’arène de l’économie mondiale. Des pays dits émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, désormais affranchis de la tutelle du Fonds monétaire international ou de la Banque mondiale. La question maintenant est - celle de savoir comment ces pays industrialisés vont réagir devant ces milliards de la Chine, de l’Inde, du Brésil... Ou pendant combien de temps les pays en voie de développement vont-ils résister ?
Dotés d’importants « fonds souverains », la Chine, l’Inde et le Brésil sont en train de bouleverser la donne sur le plan international, déjouant les sacro-saints principes de coopération tracés à Bretton Woods. Comme toujours, la bataille pour cette nouvelle forme de coopération a choisi l’Afrique comme terrain de prédilection. Des pays africains, considérés comme des « colonies émancipées », malgré les indépendances, en font déjà les frais. La RDC en est un exemple frappant. Elle subit de pressions depuis qu’elle a signé des accords-prêts avec la Chine. Et peut-être bientôt avec l’Inde qui vient de tenir une importante conférence à New Delhi avec les pays d’Afrique.
Brandissant la spirale de la dette, les pays industrialisés, soutenus par la Banque mondiale et le Fonds monétaire international, tiennent à voir clair dans ces accords ; apprécier les termes de cette nouvelle forme de coopération qui les bouscule.
Mais, la réalité – têtue, soit-elle - consacre bel et bien la fin d’un diktat ; la dynamique du changement étant plus que jamais irréversible.
LES PROPHETIES D’ATTALI
Joseph Stiglitz, prix Nobel d’économie en 2001, et Jacques Attali, grand penseur français, l’ont prédit, respectivement à différentes époques. Le premier, dans une sévère critique du Fonds monétaire international, FMI dans son ouvrage, «La grande désillusion», avait énoncé son effondrement du fait du grand décalage entre les principes encore en vigueur au Fonds et la dynamique de l’économie mondiale.
Le second, dans un ouvrage intitulé « Une brève histoire de l’avenir », annonçait l’émergence d’une nouvelle forme de coopération, en nette démarcation avec celle actuellement en vigueur. On a fait semblant à l’époque de saisir leur message. Mais, aujourd’hui, avec l’arrivée dans la scène économique internationale des pays émergents, l’idéologie capitaliste comme incarnée par les institutions de Bretton Woods (FMI et Banque mondiale) perd du terrain. Pire, elle s’effondre progressivement.
Après la disparition de l’Empire soviétique, a fortiori du socialisme, l’on assiste avec l’arrivée des « fonds souverains » à une nouvelle « géopolitique économique internationale ». Où des riches doivent désormais partager leur espace d’influence avec de nouveaux arrivants, notamment la Chine, l’Inde, le Brésil, etc.
Ironie du sort ou de l’histoire – c’est selon – c’est encore en Afrique que se joue la grande bataille. Après plusieurs années des programmes avec les institutions de Bretton Woods, l’Afrique est à la recherche d’un nouveau modèle de coopération pour se développer. Elle croit réussir son développement par la diversification des partenaires. Ce qui inexorablement remet en cause les principes classiques de la coopération. Car, les autres – les pays émergents – n’ont pas le même mode d’approche que l’Occident, trop procédural dans sa démarche.
La percée remarquable de la Chine en Afrique en fait une parfaite illustration. De l’Afrique du Sud au Maghreb, en passant par l’Afrique centrale et de l’Ouest, la Chine, comme les autres pays émergents, ne ménage pas les moyens. Elle est en train de gagner des espaces économiques. Ces pays émergents disent fonder leur coopération sur le pragmatisme en s’appuyant sur le principe du « gagnant-gagnant ». Ce que l’Occident redoute, mobilisant dès alors ses gendarmes financiers (FMI, Banque mondiale, etc.) pour multiplier des embûches.
L’escalade verbale née du dernier passage à Kinshasa d’une délégation du gouvernement belge est éloquente. Sans broncher, un officiel a parlé de la « bousculade de la coopération classique », celle où des directives se succèdent sans que des avancées significatives soient enregistrées. Cette coopération où l’on multiplie des stratagèmes pour retarder davantage la concrétisation d’une quelconque promesse d’apport. Les temps ont changé. Le moment est venu pour les pays pauvres d’Afrique de poser des actes de coopération au mieux de leurs intérêts.
LE TEMPS DE L’AFFRANCHISSEMENT
Certains analystes affirment que l’heure d’une coopération classique, telle que conçue par l’Occident, est bien révolue. Joseph Kabila, président de la République démocratique du Congo, a certainement lu les signes de temps, convaincu de l’irréversibilité de la dynamique qui caractérise désormais les relations économiques internationales.
Plans d’ajustement structurel, Programmes d’austérité budgétaire, programmes de réduction de la pauvreté, etc., la roue de l’histoire a tourné dans l’autre sens, ramenant à la surface les limites d’un système qui est passé outre ses objectifs. En plus de 60 ans de présence à côté des pauvres du monde, ni le Fonds monétaire international et encore moins la Banque mondiale n’ont pu freiner le fossé grandissant de la pauvreté, celui des riches et des pauvres.
En effet, la fin de la bipolarité Est-Ouest a coïncidé avec l’émergence pacifique d’une Chine comme pôle de puissance incontournable dans la reconfiguration de la géopolitique mondiale. Une nouvelle ère que la Chine inaugure sous le signe du « développement harmonieux », ouvert à tous les peuples du monde, en particulier à ceux du Sud, selon la terminologie tiers-mondiste des années 1960.
Sous des dehors pacifiques, en opposition aux modèles colonialistes, arborant son manteau de « grand-frère » des pays du Sud et en chantre du développement partagé, la Chine a fait de l’Afrique un acteur privilégié dans la construction d’un nouvel ordre mondial dans lequel la relation sino-africaine serait synonyme de progrès mutuel. Ainsi, «la Chine veille à établir et à développer un nouveau type de partenariat stratégique avec l’Afrique, caractérisé par l’égalité et la confiance réciproques sur le plan politique, la coopération conduite dans l’esprit gagnant-gagnant sur le plan économique et le renforcement des échanges sur le plan culturel».
Aujourd’hui, les pauvres du monde en sont revenus à explorer une « seconde voie », celle leur présentée par des pays émergents qui, pour tirer leur épingle du jeu, ont dû emprunter le même schéma, en s’affranchissant du diktat exercé par le FMI et la Banque mondiale. La Grande interrogation, c’est de savoir comment capitaliser cette seconde voie.
En attendant, panique à l’Occident, car, ailleurs, dans des pays comme le Brésil, la Chine, l’Inde, le Venezuela, l’Argentine, etc., cette stratégie de mise à l’écart volontaire du système financier international a payé.
LA CONCURRENCE SE DIVERSIFIE
Face à l’Occident, les pays émergents ne sont plus des élèves à réprimander, mais plutôt des partenaires à traiter d’égal à égal. Joseph Stiglitz, Jacques Attali, comme d’autres analystes ont prédit ce scénario que l’Occident s’obstine à ignorer.
Dans son livre en fait, Stiglitz critique beaucoup le dogmatisme des mesures que propose le FMI. Le Fonds monétaire international a été créé pour assurer la stabilité économique afin que ne se reproduise pas la dépression des années 30. Le FMI, c’était à l’origine « une coopérative où tous les pays mettaient de l’argent de telle façon que si l’un d’eux avait des problèmes, il pouvait recourir au fonds commun pour le dépanner ». Mais les difficultés ont commencé à surgir avec la question de la Dette. Et le FMI qui était un prêteur aux pays qui avaient des problèmes transitoires, est devenu un acteur principal dans la gestion de la Dette des pays du Tiers monde.
Avec cette « coopération classique », les accords autant bilatéraux que multilatéraux sont quasiment conçus dans l’intérêt exclusif du partenaire dominant. Face à ces inégalités, Stiglitz proposait la réforme des Institutions financières Internationales. Mais on se demande si ce n’est pas irréaliste.
En effet, 80 % de la population mondiale n’a pas le droit de vote au FMI réservé en fonction du poids économique des pays et que les Etats-Unis disposent toujours du droit de veto. Mais, au-delà de ce fait, le problème qui se pose, et qui justifie l’émergence d’un nouvel ordre économique est celui de savoir si les pays du Nord vont accepter de payer des investissements qui ne leur rapporteront que dans 10 ans, ou dans 20 ans, alors qu’au niveau interne ils doivent multiplier des efforts pour maintenir en phase leurs économies, prêtes à basculer dans une zone de récessions ?
Dans les pays émergents, le problème ne se pose pas en ces termes. Avec des économies affichant des taux de croissance impressionnants, c’est plus la diversification des débouchés qui importent. D’où, la levée des boucliers qui continue encore à caractériser les formes classiques de la coopération. Qui a dit que l’élévation ne vient ni de l’Orient ni de l’Occident ?
Après avoir exploré sans succès la voie de l’Occident, les pauvres du Tiers-monde, au nombre duquel se trouve la RDC,expérimentent la route de l’Orient. D’où leur viendra peut-être le développement.
Le PotentieL
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