Sunday, February 24, 2008

L'EUROPE EST DRIBBLEE PAR LA CHINE AU CONGO - KINSHASA


Les Chinois l'emportent sur les Européens en République Démocratique du Congo


BRUXELLES, (IPS) - L'accord massif que la Chine a signé avec la République démocratique du Congo (RDC) l'année dernière n'est pas une ''deuxième colonisation'', selon ce que prétendent certains Européens. L'accord apparaît en fait comme un moyen prometteur pour donner un coup de fouet à une économie.

Cet accord sur le développement des infrastructures à travers ''le financement soutenu par des ressources'' donne certainement à la Chine beaucoup d'influence dans un pays où des Européens ont l'habitude de distribuer les cartes. Des pays européens regardent maintenant avec une certaine envie ce que la Chine a réalisé.

L'avenir politique du président Joseph Kabila dépend de cet accord sino- congolais. Et avec cela, au moins une partie de l'avenir économique du Congo lui-même.

La RDC est dotée d'énormes ressources naturelles, mais 40 années de mauvaise gestion ont fait tomber le pays. La RDC est actuellement l'un des pays les plus pauvres sur terre -- même les infrastructures les plus élémentaires ont succombé à quatre décennies de négligence.

L'annonce faite en septembre 2007 selon laquelle la Chine réaliserait de grands projets d'infrastructures en RDC, qui seront remboursés avec les énormes réserves du Congo en cuivre et en cobalt, a inévitablement attiré beaucoup d'attention. Mais elle a également créé beaucoup de suspicion : que manigançaient exactement les Chinois?

Les entreprises chinoises débuteront en premier lieu les travaux sur les projets d'infrastructures en 2008 plus ou moins selon les cinq priorités que Kabila a fixées : l'eau, l'électricité, l'éducation, la santé et le transport.

Ces travaux coûteront plus de 9 milliards de dollars. C'est beaucoup d'argent, considérant que le budget de l'Etat congolais de 2007 s'élevait seulement à 1,3 milliard de dollars, dont la plupart était juste nécessaire pour payer les salaires des membres du gouvernement. Alors, comment la RDC remboursera-t-elle ces prêts chinois?

L'idée fondamentale est que les entreprises d'Etat congolaises et chinoises ont installé une joint-venture, la Socomin (Société congolaise minière). Cette société minière investira 3 milliards de dollars dans de nouvelles régions principalement minières. Les profits de la Socomin seront utilisés pour rembourser ces investissements miniers et les investissements dans les grands travaux d'infrastructures.

Un accord général a été conclu en septembre l'année dernière. Il a été ensuite réglé avec précision à travers deux mois de négociations à Beijing en novembre et en décembre.

''Cela a pris un long moment, cela ne fait aucun doute'', déclare le Français Paul Fortin, PGD de Gécamines, la société minière étatique congolaise. ''Nous devions nous entendre sur un modèle économique qui stipule comment les investissements chinois seront remboursés avec les recettes de la Socomin. A part cela, ceux-ci constituaient des négociations commerciales normales comparables à celles que j'ai faites pour les nombreux partenariats de Gécamines avec des sociétés privées''.

L'un de ces accords était que sur une période de 15 ans, la Socomin produira environ dix millions de tonnes de cuivre pour rembourser finalement 12 milliards de dollars pour les investissements dans l'exploitation minière et les infrastructures.

Les Chinois ont expliqué leur position d'une manière plutôt agressive. Les premiers profits seront utilisés pour rembourser les investissements miniers, quelque chose qui est typique à la majorité des joint-ventures privées avec Gécamines. L'accord stipule également que ''le gouvernement congolais doit garantir la sécurité des investissements, et le remboursement des travaux d'infrastructures''. Toute dispute serait réglée par l'arbitrage du tribunal de la Chambre internationale de commerce de Paris, et non à travers les tribunaux congolais, qui ont la réputation d'être corrompus.

Conformément à cet accord, seul un travailleur sur cinq peu être chinois. Dans chacun des projets, la moitié d'un pour cent de l'investissement doit être dépensée pour le transfert de technologie et pour la formation du personnel congolais. Un pour cent doit être utilisé pour des activités sociales dans la région, et trois pour cent pour couvrir les coûts environnementaux. Dix à 12 pour cent des travaux doivent être sous-traités à des sociétés congolaises.

Reste à voir comment tout ceci marchera pour la RDC. Et, quelle sera la qualité des travaux? Le gouvernement congolais est-il en mesure de contrôler cela?

Une chose est claire : ceci n'est pas l'histoire de Noirs et de Blancs que certains ont voulu en faire. Ce n'est pas non plus une histoire d'horreur coloniale, ni des investissements idéalistes de la part de la Chine.

La Chine est intéressée parce qu'elle a besoin de ressources naturelles. Mais Fortin pense que la RDC a aussi beaucoup à y gagner. ''Le Congo ne doit pas attendre ses infrastructures jusqu'à ce qu'il ait l'argent. La construction démarre immédiatement avec les ressources naturelles comme garantie. Sauf dans des Etats riches en pétrole, je ne connais aucun autre accord comme celui-ci''.

Un diplomate européen bien informé, qui ne souhaitait pas être nommé, a reconnu que ''s'il est bien mis en œuvre, il peut être positif pour le Congo''.

L'accord semble être vital pour le président Kabila. Après plus d'un an au pouvoir, il n'y en a pas beaucoup qu'il puisse montrer au peuple congolais, qui a commencé à le critiquer. Quelque chose doit rapidement commencer s'il veut se faire réélire dans trois ans et demi.

L'accord entre le Congo et la Chine semble être un bon moyen d'avancer, également parce que l'argent ne doit pas être canalisé par l'intermédiaire d'une administration congolaise corrompue. Des prêts venant de Eximbank appartenant à l'Etat chinois vont directement aux entreprises étatiques chinoises 'Railway Engineering Company' (CREC) et 'Sinohydro'.

Kabila faisait très clairement allusion à cette situation dans un discours récent. ''Les banques chinoises sont prêtes à financer nos cinq travaux (l'eau, l'électricité, l'éducation, la santé et le transport). Pour la première fois dans notre histoire, les Congolais sentiront réellement ce à quoi servent tout ce cuivre, ce cobalt et ce nickel''.

L'accord de change avec les Chinois apparaît comme une solution satisfaisante à court terme. Un Etat mieux géré demeure plutôt une nécessité et une condition sine qua non pour faire un bon usage (et entretien) de toutes les nouvelles routes, les chemins de fer, hôpitaux et écoles qui sont prévus.

Les Européens trouvent contrariant le rôle de la Chine. A travers leurs projets, les Chinois ont accès au cuivre et au cobalt. ''Ceci à un moment où nous devrions être attentifs à la fourniture à long terme (de produits de base à l'Europe)'', a déclaré un diplomate à IPS. ''La communauté européenne pour l'aide au développement nous permettrait-elle d'opérer comme les Chinois?''

Et ceci est juste une question. Il y en a d'autres. Quelle autre nation est-elle capable de prendre de tels projets gigantesques aussi bon marché et aussi rapide que les Chinois? Et, quel pays européen possède-t-il encore des entreprises publiques pour entreprendre de tels projets?

Si actuellement Kabila dépend politiquement des Chinois, cela signifie que l'influence de Beijing dans ce pays crucial d'Afrique est devenue très forte. Les Congolais, comme beaucoup d'autres Africains, l'ont eu avec des Européens paternalistes qui leur disent souvent comment ils doivent se comporter et comment ils doivent améliorer la gouvernance.

C'est certain, tout le monde sait que le gouvernement de la RDC est faible et corrompu. Des chercheurs ont trouvé qu'en général un conteneur qui entre dans le pays dans la ville orientale de Bukavu est 'attaqué' par 20 différents services gouvernementaux, chacun demandant les vrais documents -- ou une sorte de paiement.

L'Etat congolais a des difficultés de fonctionnement et les problèmes de gouvernance constituent une raison pour laquelle des pays de l'Occident sont réticents à financer le gouvernement congolais après les élections. ''Nous n'avions d'autre choix que d'aller vers les Chinois'', a confié à IPS une source bien placée au Congo.

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IPS a maintenant eu accès aux accords de septembre. Certains détails de ces accords se présentent comme suit :

- L'accord principal a été conclu entre l'Etat congolais et trois grandes entreprises étatiques chinoises, notamment 'China Eximbank' qui a accordé pendant des années d'importants prêts aux entrepreneurs chinois. L'accord stipule que ces deux parties devraient former une joint-venture dénommée Socomin SA (Société congolaise minière) conformément à la loi congolaise.

- En tout 32 pour cent des actions de cette société sont détenus par la grande société minière publique de la province de Katanga, Gecamines, et 68 pour cent par les Chinois. La grande partie de l'extraction viendra de nouvelles mines. Rien n'est enlevé aux mines existantes, sauf à une partie de 'Katanga Mining Ltd' possédée par la 'Belgian George Forrest', qui sera dûment remboursée.

- Dans une première phase, les recettes de Socomin seront utilisées pour rembourser les investissements miniers de 3 milliards de dollars. Il est offert à la Gecamines également un prêt correctif de 100 millions de dollars, avec lesquels les rappels de salaires des ex-employés étrangers et congolais, entre autres, peuvent être payés.

- Dans une seconde phase, 66 pour cent du profit net serviront à rembourser les prêts que les Chinois auront payés d'ici-là pour les travaux d'infrastructures. Les autres 34 pour cent sont répartis parmi les actionnaires. Au cours de ces deux phases, la joint-venture est exonérée de toute taxe.

- Ceci est suivi d'une liste de travaux d'infrastructures d'un montant de 9 milliards de dollars que deux grandes entreprises publiques chinoises construiront entre elles. 'Sinohydro', une grande société d’Etat qui a fourni l'ossature de l'atelier chinois de constructions mécaniques hydrauliques et des centrales hydroélectriques, construira des lignes à haute tension et des centrales électriques de haut voltage. La société réparera et élargira également l'approvisionnement en eau, et construira 49 centres de distribution et d'approvisionnement en eau potable, 31 hôpitaux de 150 lits chacun, 145 centres de santé de 50 lits chacun, quatre grandes universités, le siège du parlement et 20.000 habitations à loyers modérés.

- La 'China Railway Engineering Company' (CREC) est uns société d’Etat qui a posé deux-tiers du réseau ferroviaire chinois (pas moins de 400.000 kilomètres) et possède 280.000 employés. La CREC est chargée de rénover le chemin de fer entre les ports de Muambe, Matadi et Kinshasa, le chemin de fer entre Kinshasa, Ilebo, Lubumbashi et Kasumbalesa, et entre Lubumbashi, Kindu, Kalemie et le nord-est du Congo. Dans et autour de Kinshasa, 250 km de routes seront construits, notamment une autoroute périphérique autour de la ville. Ailleurs également, plusieurs nouvelles routes sont prévues.

- En outre, un accord existe entre le gouvernement congolais et la société privée 'Shanghai Pengxin Group Ltd' pour développer des infrastructures publiques avec ''le financement du projet couvert par les recettes venant des ressources naturelles''. 'Shanghai Pengxin' doit mobiliser 1 milliard de dollars, dont 850 millions de dollars sont pour les travaux miniers et d'infrastructures, et 150 millions de dollars comme assistance budgétaire au gouvernement. Il est stipulé dans l'accord que l'exploitation minière doit se faire sur une échelle suffisamment grande en vue de rembourser ce montant.

(* John Vandaele est auteur de plusieurs livres sur la mondialisation. Le magazine belge Mo a aidé à rendre cette recherche possible). (FIN/2008)

Analyse de John Vandaele* 21 fév

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