Après la Conférence sur la paix : L’UE réclame la « Table ronde sur la sécurité »
Le Potentiel
La paix a un prix à payer. Dès qu’on l’a gagnée en payant ce prix, il faut savoir la préserver. « Roi le devenir, couronne la gardera », disent certains. La République démocratique du Congo est condamnée à ouvrir une nouvelle page pour entreprendre une autre tâche laborieuse afin de parachever l’ouvre entamée depuis Sun City et Goma. Il s’agit de la réforme sur la sécurité, une étape tout aussi importante que la conférence sur la paix. Les ambassadeurs des pays de l’Union européenne accrédités en République démocratique du Congo ne se font plus prier pour le dire. Ils attendent des autorités congolaises « l’organisation d’une table ronde sur la réforme de la sécurité ».
Les ambassadeurs des pays membres de l’Union européenne accrédités en République démocratique du Congo ont déclaré, il y a de cela 48 heures, la détermination de leurs gouvernements à accroître des moyens d’intervention en faveur de la paix dans les deux Kivu. Mais ils ne tiennent pas à voir les choses s’arrêter là. Que la République démocratique du Congo soit à même d’assurer la sécurité de son territoire et de ses populations. Aussi, attendent-ils des autorités congolaises l’organisation d’une « Table ronde sur la réforme de la sécurité ».
« Nous parlons de cette table ronde depuis les 11 et 12 juillet de l’année passée. Depuis lors, on parle de report, nous sommes devant une situation d’urgence ». Cette déclaration qui souligne une autre inquiétude devant la lenteur affichée par les autorités congolaises, est de l’ambassadeur du Royaume de Belgique en Rdc, Johan Swinnen. Une façon de dire que cette table ronde pouvait bien se tenir avant la Conférence de Goma. Partant, ces ambassadeurs s’interrogent sûrement sur les vrais mobiles de cette lenteur alors que l’on devrait accorder à cette question le bénéfice de l’urgence. Peut-être qu’il n y aurait eu jamais cette « guerre du Kivu ».
Bien avant eux, Aldo Ajello, alors Représentant spécial de l’Union européenne dans la région des Grands Lacs tirait la sonnette d’alarme : « Le problème en République démocratique du Congo est avant tout l’armée, la police et les services de renseignements ». Le temps lui a donné raison.
Puisqu’il faut préserver les acquis de la paix de cette Conférence de Goma, les ambassadeurs des pays de l’Union européenne reviennent à la charge sur cette question. Ils l’ont exprimé clairement au courant de cette semaine.
LE SOCLE DE LA PAIX, DES INSTITUTIONS NATIONALES
La sécurité a toujours constitué le maillon faible de la chaîne des décisions sur la paix, la stabilité des institutions et le développement du pays. Ramener la sécurité seulement au niveau des personnalités au sommet de l’Etat pour la conservation du pouvoir a toujours été une erreur politique éléphantesque et préjudiciable à la nation. La chute de Mobutu, selon certains experts politiques, est consécutive à cette approche de ramener le système de sécurité d’un pays à sa personnalité.
Ainsi, par deux fois, la RDC a été agressée sans réussir à repousser les agresseurs. Depuis, les services de l’ordre, de l’armée, de la sécurité ont du mal à mâter toute insurrection. D’où la nécessité de procéder à la réforme de la sécurité en RDC. Une réforme qui touche les services de renseignements, l’Armée et la Police. Ces trois domaines du maintien de la paix, de la sécurité et de l’ordre constituent le socle de toute politique de stabilité et de développement national. Mais aussi des institutions nationales pour un Etat républicain, un Etat de droit.
Au départ de Sun City, alors que se clôturait le Dialogue intercongolais, certains avaient mis un accent particulier sur cette réforme de la sécurité pour disposer d’une armée réellement nationale, dissuasive et une Police également nationale à même d’assurer efficacement l’intégrité territoriale, l’ordre public et la sécurité des biens et des personnes. Malheureusement, les considérations politiciennes l’ayant remporté sur des considérations sécuritaires à cause de la boulimie du pouvoir, l’insécurité et la violence au Kivu ainsi qu’en Ituri ont démontré que l’on avait renversé l’échelle des priorités. La guerre du Nord-Kivu vient de reposer le problème et plaide justement en faveur d’une réforme de la sécurité. C’est ainsi que dans leurs résolutions et recommandations, les participants à la Conférence de Goma ont mis un accent particulier sur l’urgence et la nécessité de restructurer les services de sécurité. A savoir l’Armée, la Police et les Services de renseignements.
SORTIR DES VIEUX SENTIERS
La réforme de la sécurité se présente comme une tâche immense et difficile à la fois. A dire vrai, le processus est engagé avec la présence de l’EUPOL et de l’EUSEC, un programme de l’Union européenne. Mais apparemment, rien ne réussit encore.
En plus, les réticences observées jusqu’ici dans le cadre de la restructuration de l’armée, de l’intégration et la réintégration des forces armées en République démocratique du Congo pose d’énormes problèmes. Elles tiennent en premier lieu à l’approche des uns et des autres sur l’armée, les services de renseignements et de sécurité.
Au fait, en Afrique la pyramide du pouvoir s’appuie sur le fusil et l’argent. Celui qui a l’armée, a le pouvoir. Voilà qui explique souvent les causes profondes des conflits et la réticence de restructurer l’armée à l’image des armées de pays de vieille démocratie qui disposent des armées réellement nationales ; socle des institutions nationales.
Mais en Afrique, jusqu’à preuve du contraire, les armées ont une coloration tribale ou régionale, c’est selon. Elles disposent en leur sein des « unités spéciales » qui ne sont autres que des « gardes prétoriennes » pour la conservation du pouvoir. Pire, les services de sécurité constituent des « gouffres financiers » pour enrichir un clientélisme désuet. La République démocratique du Congo ne fait pas exception tant qu’elle demeure encore sur ces vieux sentiers battus.
S’il faut organiser effectivement une « Table ronde sur la sécurité » dans le but de disposer d’une armée réellement nationale, dissuasive et apolitique, le plus important consistera à sortir des vieux sentiers battus. Une tâche difficile pour autant que la transition a versé dans l’armée et la police des « forces négatives au service des ex-belligérants et groupes armés », des machines à voler, à violer, à tuer. Mais la tâche n’est pas du tout impossible. Le succès de cette réforme réside en ce changement de mentalité opposable à tous, à la volonté politique sans faille, à l’élan nationaliste de la part des autorités congolaises.
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