MWALENGE KA VULA Joachim
Le Phare
La dernière évolution de « l’affaire Kahemba » m’impose le devoir en tant que originaire de ce territoire de dénoncer des déviations dangereuses dans le traitement de ce dossier et qui risquent, si l’on n’y prend garde, de causer des préjudices irréparables et conduire à la falsification de l’histoire de SHAIMBUANDA et de tous les peuples vivant dans cette contrée de la République Démocratique du Congo. Je voudrais dire que face à cette population pauvre et impuissante, personne n’endosserait une aussi lourde responsabilité, un siècle après l’entrée en vigueur des règles du droit international des Etats et de leurs peuples respectifs sur le continent africain.
Pourtant une analyse objective de la question sur toutes les facettes permettrait aux experts en charge de cette affaire de parvenir à une conclusion responsable sans pour autant se livrer à une querelle honteuse qu’ils ne se sont pas embarrassés d’exporter dernièrement à Bruxelles devant les experts Belges et Portugais.
Heureusement, certains dirigeants politiques reconnus pour leur constance et leur autorité ne s’apprêtent pas à jouer au sentimentaliste.
1. LE SENS DE RESPONSABILITE DU CHEF DE L’ETAT
A tout seigneur, tout honneur ! Laissez-moi tout d’abord saluer, avant de vous livrer ma réflexion sur le sujet, la sagesse et le sens de responsabilité du Président de la République, Joseph KABILA, qui a choisi de recourir après la mission du Gouvernement et celle du Parlement, à une commission mixte pour résoudre cette question de limites frontalières de Kahemba.
Cette démarche du Chef de l’Etat a été du reste saluée par toute la population du territoire de Kahemba qui y a adhéré sans réserve, car pour elle, la confusion à cet endroit de la frontière avec l’Angola est bien réelle et qu’il fallait y mettre fin.
A cette étape de l’évolution du dossier, aucun expert du Gouvernement ou du Parlement n’a le droit d’induire les Institutions de la République en erreur. Il faut donc aller jusqu’au bout de la logique du Président de la République, l’initiateur de la commission mixte qui attend, comme toute la population de Kahemba, les résultats du travail fait à
SHAIMBUANDA.
Il. DES ERREURS D’INTERPRETATION PREJUDICIABLES A SHAIMBUANDA
Parlant des humeurs des personnes en charge du dossier, je relève la complaisance, sinon la légèreté de ces Messieurs qui qualifient SHAIMBUANDA de « village angolais habité par une population congolaise », en s’appuyant notamment sur la lettre du 9 juillet 1956 de
Monsieur Carels, Commissaire de District intérimaire du Kwango à Kenge.
Cette correspondance, selon eux, indiquerait que des villages dont SHAIMBUANDA, auraient été querellés sur cette frontière déjà à l’époque coloniale. Ces graves affirmations ont même été entendues dans un élément de reportage diffusé sur la RTNC le dimanche 12 août 2007 à 20h, et commenté avec arrogance par un journaliste ATTACHE DE PRESSE qui ne se doutait pas de tromper l’opinion et toutes les autorités du pays.
Tenez! En parcourant ce fameux document, publié fidèlement (heureusement!) par le journal le Phare, dans sa livraison du lundi 19 mars 2007, numéro 3040, et dont je détiens la copie du texte original, Monsieur Carels l’auteur de cette lettre n’a jamais parlé de villages querellés, mais bien de terres querellées qui furent à l’origine des conflits entre les populations congolaises et angolaises comme l’indique clairement cette correspondance en page 3, paragraphe 1;
Je cite: « l’emplacement de ces villages n’a cependant eu aucune influence sur les incidents du 9 juillet 1954. En effet l’origine de ceux-ci réside dans l’exercice de ses droits coutumiers sur la plaine par le chef de terre Shakasumbi. »
Plus loin, en page 3, paragraphe 5, la lettre précise: Il ce sont les habitants de ces villages (angolais de Shakamuanga et de Shakatanua) qui furent surpris brûlant ses plaines par Shakasumbi au moment où celui-ci s’apprêtait à la même opération...
Voilà qui est dit! Qu’on le veuille ou pas, cette nuance est de taille et devrait logiquement attirer l’attention de nos experts s’ils étaient animés de bonne foi.
Parlons à présent de la notion du village! En effet, où a-t-on déjà vu sur le globe un village sans habitants? Dans le cas d’espèce de SHAIMBUANDA, je mets au défi quiconque prendrait l’initiative de retirer cette population dite « congolaise» de ce village dit « angolais »... Le résultat sera sans appel, à la honte de nos experts. Car, je reste convaincu que à l’issue de cette opération, tous les habitants hommes, femmes et enfants videront ce village en abandonnant derrière eux des cases vides et des
arbres fruitiers sans maître et rebâtiront ailleurs un autre village « SHAIMBUANDA ».
J’ajoute qu’aucun autre SHAIMBUAND n’est connu dans la région, coté congolais ou angolais, si ce n’est le congolais.
Comme on peut le constater, ces erreurs d’interprétation posent problème au niveau des experts, et aussi bien entendu des résultats mêmes à attendre d’eux. Certains parmi eux, s’accrochent avec maladresse aux seules données géographiques en se détournant de la réalité pour attribuer selon leur humeur, la nationalité angolaise à SHAIMBUANDA et consorts. C’est là, à vrai dire, la source des divergences entre le Gouvernement et le
Parlement.
III. ATTENTION A CET ELEMENT PERTURBATEUR
Il s’agit d’une piste coupe-feu existant à la hauteur de cette frontière, parallèle à celle-ci et ne correspondant pas aux limites frontalières officielles. Cette piste qui avait déjà créé la confusion à l’époque coloniale est vraisemblablement l’un des éléments à l’origine du conflit frontalier actuel.
A cet effet, les informations fournies par Monsieur Carels dans sa lettre précitée ne devraient pas en tout état de cause échapper aux experts en charge de l’Affaire Kahemba. Voici ce que Monsieur Carels écrit à ce sujet:
(la limite entre le Congo-Belge et l’Angola dans la région comprise entre le~ rivières LOANGE et LUSHIKO est le:’ 7e parallèle. Cette limite fut matérialisée sur le terrain par les bornes 20, 21, 22 et 23. Vers les années 1920-1925, l’Administration angolaise établit une piste coupe-feu, qui, depuis 1954 fut entretenue par les soins de cette administration.
Ce sentier s’étend plus ou moins parallèlement à la frontière idéale à distances variables allant de 50 kms à la borne 20, et 4 kms à la borne 21... Il est vraisemblable que cette piste ne correspond pas à l’ancienne polygonale télémétrique mesurée par la mission portugaise lors des travaux de la commission de délimitation: Angola - Congo-Belge...
Cette piste semble avoir été créée arbitrairement par un agent de l’Administration angolaise. Il est possible qu’il ait voulu déterminer sur le terrain la limite entre les deux colonies et s’est trompé. « Toujours est-il qu’aux yeux des indigènes, c’est cette piste qui fut considérée comme frontière et ce, surtout parce que les Angolais ne dépassaient plus jamais cette piste. »
Dans sa conclusion, Monsieur Carels livre cette précision intéressante: Cette étude devant porter sur toute l’étendue de la frontière en territoire de Kahemba, et pas seulement sur l’endroit où’ les incidents se sont passés.., Il s’agira aussi de liquider la question de l’emplacement exact de la frontière et des villages qui se sont fixés entre la frontière et la piste tracée par les Angolais... « Je propose que l’idée des autorités angolaises soit reprise en la rectifiant, c’est-à-dire qu’un sentier soit créé à l’emplacement réel de la frontière »
Il ressort très clairement de la lettre que Monsieur Carels que la piste coupe-feu s’était fictivement transformée en frontière en faisant oublier les limites réelles tracées par la mission officielle Congo-Belge-Portugal, et que de ce fait, elle venait bouleverser certaines données sur le terrain, en créant notamment une nouvelle bande qui a largement influencé le comportement de plusieurs villages frontaliers, particulièrement de ceux qui ont choisi de s’y installer pour contrôler leurs terres.
Voilà pourquoi, à mon avis, cette’ fameuse piste doit être objectivement prise en compte dans le traitement de ce dossier pour ainsi éviter l’arbitraire.
Voilà pourquoi aussi je salue le sens de responsabilité de la Commission Parlementaire et des Députés Kwangolais qui exigent la descente sur terrain de la commission mixte accompagnée’ des experts
Belges et Portugais. Sans cela, quelle garantie avons-nous que les archives reçus à Bruxelles de nos anciens colonisateurs ne seront pas mal lues et mal interprétées par nos experts comme c’est le cas de la correspondance de Monsieur Carels ?
On ne doit pas à mon avis s’arrêter à. mi-chemin, en se proposant de traiter cette affaire dans des bureaux climatisés, loin de Shaimbwanda et du 7e parallèle.
D’ailleurs l’opinion doit noter à ce sujet que les bornes 20 et 22 qui étaient introuvables lors des missions Gouvernementale et Parlementaire ont été découvertes par la population autochtone au mois de juillet, à la faveur de feu de brousse; nos autorités en’ ont été immédiatement informées par les services compétents de notre administration locale qui n’ont pas caché la nouvelle.
La série de 4 bornes à la hauteur de cette frontière étant complète, la tâche de la commission mixte est d’ores et déjà simplifiée sur le plan technique pour poursuivre l’objectif de la réhabilitation des limites frontalières à leur endroit initial.
IV. SHAIMBWANDA EST-IL ANGOLAIS?
La question est pertinente et mérite d’être posée. En effet, il serait erroné d’attribuer la nationalité angolaise à Shaimbwanda sur base des données géodésiques, c’est-à-dire, en considérant exclusivement sa position géographique actuelle. D’abord, s’il s’avérait après vérification que Shaimbuanda est actuellement sur le territoire angolais, ce dont je doute, il conviendrait de noter que ce dernier a mis à son actif une nouvelle réalité sur la frontière, comme nous l’avons indiqué au point précédent, en occupant un nouvel emplacement pour des raisons évidentes et pas plus! Ensuite toutes les archives et autres sources convergent en sa faveur tant sur tout le plan géographique, historique, administratif que coutumier et renseignent sans ambiguïté sur ce sujet.
En voici quelques unes:
1. la lettre de Monsieur Carels (une fois encore !)
Cette lettre est très édifiante quant à la nationalité de
Shaimbwanda et constitue en soit une source d’information non négligeable.
Monsieur Carels écrit: « Trois plaines comprises dans leur plus grande partie en territoire angolais sont revendiquées par des Congolais. Ces plaines sont:
KALIMBA, appartenant à SHAKASUKA (village situé en territoire belge) et s’étendant jusqu’à la rivière Luhamba, affluent de LUSHIKO.
1: - KUNGAMATA, appartenant à SHAIMBUANDA (village situé entre la frontière réelle et la piste) et s’étendant jusqu’aux sources de la KUMBA.
- KAPUKU, appartenant à SHAKASUMBI (village situé en territoire belge) et s’étendant jusqu’à la source de la TSHINZUNDA.
Les droits des trois villages précités dérivent vraisemblablement de leurs habitants primitifs en cet endroit. Ayant quitté leur emplacement primitif pour leur résidence actuelle, ces indigènes, et c’est normal aux yeux de la coutume, considèrent qu’ils ont gardé ces droits sur lesdites plaines.
On peut relever dans cette lettre trois éléments clés qui apportent davantage la lumière sur la situation de Shaimbuanda : ce dernier est incontestablement congolais;
2. son emplacement était déjà signalé vers les années 50 dans la bande comprise entre la frontière réelle et la piste coupe-feu tracée par les Angolais... sans remettre en cause sa nationalité
3. SHAIMBWANDA était à cet endroit aux côtés de cinq (5) villages congolais, et deux autres d’origine angolaise: KAMBANGUNJI et SHAKATANUA.
Au-delà de cette correspondance, trois autres preuves sont à verser dans ce dossier:
1. sur le plan administratif, SHAIMBUANDA est l’un des huit (8) groupements actuels qui composent la chefferie MWAMUSHIKO, dans le territoire de Kahemba et ce, depuis avant l’indépendance de notre pays. Le Ministère de l’Intérieur le sait.
2. une carte administrative du territoire de Kahemba, en notre possession, éditée par l’Administration Belge en 1957 sur base des données scientifiques, situe SHAIMBUANDA au nord du 7e parallèle, à 1,5 km de la frontière réelle, c’est-à-dire sur le sol du territoire congolais.
3. l’Administration belge a dressé en 1944 une liste de 135 villages constituants la C.I. MW AMUSHIKO ; SHAIMBUANDA y apparaît à la 69ème position.
Comme on peut le constater, la lettre de Monsieur Carels et plusieurs autres sources indépendantes, y compris les témoignages des habitants de cette contrée, révèlent sans ambiguïté la nationalité de SHAIMBUANDA et contredisent la thèse défendue abusivement par certains experts. A la lumière de ses renseignements, les autorités du pays ne devraient pas se laisser duper par ces personnes qui poursuivent des buts inavoués.
V. QUE DIRE ENFIN?
SHAIMBWANDA n’est ni apatride, moins encore angolais ; c’est un citoyen Congolais comme vous et moi qui n’a nullement honte de sa nationalité et réclame justice aux autorités congolaises.
La falsification de son histoire, intentionnellement ou non, vous fera porter une lourde responsabilité que l’histoire elle-même n’effacera jamais.
Dans tous les cas, j’ai la ferme conviction que ceux qui ont le dernier mot, loin de toute influence, ne laisseront pas passer pareille erreur!
Messieurs les experts, regardez la réalité en face, et mettez de coté vos émotions personnelles.
Le Phare Quotidien indépendant
2007-11-26
Monday, November 26, 2007
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