Friday, November 30, 2007

BCDC : la décision de la Banque Centrale du Congo est imminente
(Jacques Kimpozo Mayala)

Sur le boulevard du 30 Juin, à la hauteur du building Nogueira, chacun retient son souffle. C’est en ce début du mois de décembre que le sort du géant des banques privées congolaises va être connue. C’est en effet dans les tous prochains jours que la Banque Centrale du Congo va se prononcer sur les repreneurs de la BCDC, la célèbre filiale de la défunte Belgolaise que son véritable propriétaire, Fortis, a décidé d’évacuer de son patrimoine depuis de très nombreux mois.

L’opération qui paraissait simple au début a été rendue difficile par certaines implications politico-financières qui ont contraint Fortis à trouver un attelage belge au montage en construction en vue de rassurer certains milieux d’affaires de la place de Bruxelles.
Après plusieurs tentatives infructueuses et le ratage enregistré dans les négociations entre la banque Degroof et la BIO (Société belge d’investissement pour les pays en développement), Fortis a finalement jeté son dévolu sur la huitème banque d’Afrique, la marocaine Attijariwafa qui s’est portée acquéreuse de 25% de l’actionnariat de la BCDC dont 12% étaient déjà détenus depuis les années 90 par l’industriel belge Georges Forrest. C’est cette entrée des Marocains dans le capital de la BCDC et surtout les liens particuliers qu’ils entretiennent avec Forrest qui semble avoir débloqué le dossier au niveau de Fortis. Rien, dit-on dans les milieux généralement bien informés, ne pourrait durablement contrarier la détermination de Fortis de lâcher sa banque.

L’équivoque bientôt levée

Contrairement au pessimisme ambiant dans les milieux d’affaires belges, il nous revient qu’en dépit des tentatives de torpillage de la bonne volonté des opérateurs économiques prêts à s’investir dans le redressement de la BCDC, une poignée de téméraires s’est annoncée à ses portillons. Il y a , à leur tête, la banque marocaine Attijariwafa, que l’on présente comme virtuelle acquéreuse de 25% des parts, au même titre que l’Etat congolais. Mais l’on parle aussi de George Forrest, qui s’afficherait avec 12 % tandis qu’un paquet où apparaîtraient aussi des « Mobutistes » contiendrait 25% des parts.
La Banque Centrale du Congo, que l’on dit avoir suffisamment examiné le dossier BCDC, pencherait en faveur d’Attijariwafa, la première banque marocaine et la 8me en Afrique, et de ses partenaires identifié comme étant George Forrest et d’anciens dignitaires de la IIme République dans l’ex-Zaïre. Attendue précédemment pour ce 30 novembre, l’avis favorable de la Banque mère en RDC pourrait vraisemblablement intervenir dans la première quinzaine du mois de décembre de l’année en cours. N’eut été la participation de son staff à la réunion de Paris (29 et 30 novembre) consacrée aux discussions entre le gouvernement congolais et ses bailleurs de fonds bi et multilatéraux en rapport avec son plan de réduction de la pauvreté entre 2007 et 2011, l’équivoque serait déjà levée.

Attijariwafa, Forrest et les « Mobutistes » dans le collimateur

On retient aussi comme facteur de nature à bloquer la Banque Centrale du Congo dans sa décision, les réserves du ministère du Portefeuille. Il semble qu’à ce niveau, on verrait d’un très mauvais œil la mainmise d’actionnaires privés sur l’actionnariat de la Banque Commerciale du Congo. La présence d’Attijariwafa, de George Forrest et des « Mobutistes » dans la nouvelle configuration de la haute direction de la BCDC ferait très peur, semble-t-il, à certains décideurs politiques congolais et opérateurs économiques.
L’inquiétude serait fondée sur la peur de voir un homme d’affaires, un industriel opérant dans le secteur minier, contrôler, avec la complicité des « Mobutistes » de gros intérêts financiers qu’héberge cette institution financière. Pourquoi des hommes d’affaires auraient-ils peur d’un de leurs collègues ou d’un banquier dans les rouages de gestion d’une banque ? Il est difficile d’y trouver une réponse convaincante.
La tradition héritée du capitalisme occidental indique qu’il n’est pas interdit à un homme d’affaires d’être banquier. Dans un pays comme le Japon, il est courant de rencontrer des opérateurs économiques ou des industriels dans l’actionnariat des banques. Plus près de nous, en Afrique du Sud, par exemple, le richissime Patrice Motsepe, patron de l’ABSA, l’une des principales banques du pays de Nelson Mandela, est également opérateur minier.

Forrest présent dans la BCDC depuis plus de 15 ans

Investisseur, industriel, entrepreneur et opérateur minier bien connu chez nous, le Groupe Malta Forrest est actionnaire dans la Banque Commerciale du Congo depuis plus de 15 ans. C’est donc à tort que certains milieux politiques et d’affaires voudraient le présenter comme un danger pour sa clientèle, surtout celle oeuvrant dans le secteur minier.
Comment quelqu’un qui est au courant de la santé financière de la BCDC au jour le jour, voici plus d’une décennie, peut-il devenir subitement nuisible à ses intérêts et à ceux de ses clients ? Il est vrai qu’en portant ses parts à 12%, Forrest est devenu plus visible et qu’il pourrait se montrer plus regardant sur la marche de la banque. Mais de là à croire ou faire croire qu’il serait le seul maître à bord, c’est mal connaître les mœurs en vigueur dans les institutions financières.
Les alarmistes semblent ignorer que l’Etat congolais (25%) et les Marocains d’Attijariwafa (25%) détiennent, à deux, la majorité des parts sociales. S’il y a donc des partenaires qui devraient peser de tout leur poids dans le futur nouveau Conseil d’administration de la Banque Commerciale du Congo, ce sont d’abord eux deux.

Les « Mobutistes », ennemis de la patrie ?

Quant à l’affirmation selon laquelle l’Etat congolais aurait tout à craindre des « Mobutistes », soupçonnés de vouloir faire main basse sur la BCDC, elle parait vraiment farfelue. Il est notoirement connu que les anciens compagnons politiques du défunt maréchal Mobutu sont revenus en force dans toutes les institutions de la République. L’actuel président du Sénat, Léon Kengo wa Dondo, est fiché comme un des anciens dignitaires de la IIme République, pour avoir été Procureur général de la République, président du Conseil Judiciaire, Premier ministre à trois reprises (1982-1986 ; 1989-1990 et 1994-1997), ambassadeur en Belgique, membre du Comité Central du MPR-Parti/Etat. Le 1er vice-président du Sénat, Mokolo wa Mpombo, est un ancien chef de la Sécurité et conseiller à la cour de Mobutu, le 2me vice-président du Sénat, Mario Cardoso Losembe, l’est aussi, pour avoir été plusieurs fois ministre (Education Nationale) avant son départ en exil, dans les conditions rocambolesques qu’il est superflu de rappeler.
Les « Mobutistes » prestent et occupent des postes de responsabilité partout : Présidence de la République, Sénat, Assemblée Nationale, gouvernement, diplomatie, entreprises publiques, territoriale, haute magistrature, armée, police et services de sécurité. Ils ont noué de solides alliances aussi bien avec la famille politique du Chef de l’Etat qu’avec l’opposition institutionnelle.
Mieux, un des fils de feu Mobutu, le ministre d’Etat chargé de l’Agriculture et du Développement rural, François Nzanga Mobutu, s’est positionné comme la seconde personnalité de l’Exécutif de l’Etat, selon l’ordre actuel de préséance, après le Premier ministre Antoine Gizenga. Présenter aujourd’hui les « Mobutistes » comme des ennemis de la patrie, c’est sefourrer le doigt dans l’œil puisqu’ils sont devenus incontournables dans tous les centres de décision de la République. S’ils veulent réellement nuire à la Banque Commerciale du Congo, ils ont les bras suffisamment longs pour le faire à distance.

Qui sont derrière les autres banques ?

Pourquoi le nouvel actionnariat de la Banque commerciale du Congo suscite-t-il tant d’agitation dans les milieux politiques et d’affaires, en Belgique comme en RDC ? Nul n’ignore pourtant qu’après la vague de liquidation de plusieurs institutions financières présentes dans l’ex-Zaïre, au crépuscule du règne du maréchal Mobutu, on assiste depuis l’avènement de Laurent Désiré Kabila, en mai 1997, mais surtout après la mise sur pied, en juin 2003, du gouvernement d’union nationale issu du Dialogue Intercongolais, l’on assiste à la naissance en série des banques privées.
Jusqu’ici, aucun officiel congolais ni aucun homme d’affaires national ou expatrié ne cherchent à savoir quels actionnaires se trouvent derrière ces institutions spécialisées dans le commerce de l’argent. En principe, tous ceux qui s’agitent au sujet de l’actionnariat de la BCDC devraient aussi s’interroger sur les identités des puissances financières ou politiques qui contrôlent les nouvelles banques en gestation en République Démocratique du Congo. Les vrais patriotes et les étrangers soucieux des intérêts de l’Etat congolais, s’ils existent, devraient exiger l’ouverture d’audits à ce sujet.
Bref, personne ne veut du mal à la BCDC : ni Attijariwafa, ni Forrest, encore moins les « Mobutistes », ces prétendus enfants du diable que tout le monde courtise dans ce pays.

2007-11-30


© Sankurunews