TERRORISME D'ETAT
Qui a assassiné Aimée Kabila ?
Sifa Mahanya, \"mère\" de Joseph Kabila, pointée du doigt par la VSV
Dans un communiqué daté du mardi 22 janvier publié à Kinshasa, l’association de défense des droits de l’Homme « La Voix des Sans-Voix » fait état d’une certaine agitation à la Présidence de la République autour du décès de la dame Aimée Kabila, fille de l’ancien président Laurent-Désiré Kabila. Selon cette association, le corps de la défunte, lardé de plusieurs coups de baïonnette et impacts de balles serait abandonné à la morgue du Centre hospitalier Monkole, situé à la Commune de Mont Ngafula. Au motif qu’un climat de terreur et de menaces planerait sur les proches de la disparue.
Une semaine après «l’exécution» - le mot n’est pas trop fort - de Madame Aimée Kabila, tous les regards sont tournés vers la Présidence de la République. Et pour cause ? La précipitation avec laquelle l’administrateur de la Maison civile de Joseph Kabila s’est fendu d’un communiqué niant de manière indécente l’existence de tout lien de parenté entre la défunte et Laurent-Désiré Kabila a jeté un vrai trouble dans les esprits. « Pourquoi un tel acharnement ?». C’est la question qui revenait sans cesse. A tort ou à raison, des doigts accusateurs sont pointés en direction de Joseph Kabila. Lui-même. Le moins que l’on puisse dire est qu’une ambiance de «sauve-qui-peut» est perceptible dans les milieux sécuritaires. Des milieux relevant de l’autorité directe du «raïs» congolais. Certains analystes n’hésitent pas à avancer l’hypothèse selon laquelle «l’entourage présidentiel» vient de commettre une grave erreur dans le maniement de la communication en temps de crise. «En temps de crise, il vaut mieux dire la vérité. Toute la vérité », commentait un spécialiste en communication. Selon cet expert, «Théodore Mugalu, chef de Maison civile n’a pas dit la vérité. Celle-ci pourrait avoir un effet boomerang». L’ASBL «La Voix des Sans-Voix pour les droits de l’homme » (VSV) ne dit pas autre chose.
Persécution et cruauté
Dans son communiqué daté du mardi 22 janvier, l’association ne va pas par quatre chemins. Elle fustige «la persécution dont madame Aimée Kabila Mulengela a fait l’objet avant et après son assassinat dans la nuit du 15 au 16 janvier 2008 à son domicile (...)». Persécution orchestrée par qui ? Le communiqué ne donne pas de réponse. Il réaffirme, contrairement à Mugalu, que la défunte est bel et bien la «fille du président Laurent-Désiré Kabila (décédé) et de Zaïna Kabangula (décédée) ». Détail supplémentaire, la jeune dame était titulaire du passeport diplomatique n° D 0012893. Ses six enfants, également. Il serait intéressant que le ministère congolais des Affaires étrangères explique à l’opinion le critère qui a prévalu pour émettre ce document officiel au profit des membres de cette famille. Ce titre est réservé non seulement aux fonctionnaires en poste à l’étranger mais aussi aux dignitaires du pays ainsi que les membres de leurs familles. La VSV est formelle en affirmant que «Aimée» «a été victime d’actes de cruauté, de torture avant d’être tuée par balles par deux hommes armés ayant fait irruption par effraction dans son domicile» dans le pur style maffieux. Pourquoi ? Ceux qui l’ont connu témoignent la main sur le cœur qu’elle était une mère de famille sans histoires. Tous reconnaissent cependant que la victime exigeait bruyamment de «voir clair» sur la destination donnée aux «biens» laissés par leur défunt père Laurent-Désiré Kabila. « En trente mois d’exercice du pouvoir d’Etat, Kabila père pouvait-il franchement se bâtir une fortune ?», s’enrageait une source proche de la Présidence contactée par la rédaction de Congoindependant.com.
Menaces et intimidations
Selon la VSV, le corps de la défunte, lardé de plusieurs coups de couteau, «moisit», depuis le 16 janvier dernier à la morgue du Centre Hospitalier Monkole, sis avenue Ngafani, dans la commune de Mont-Ngafula. Motif : les membres de famille «font l’objet de menaces, d’intimidations et de filature». C’est ainsi «qu’ils ont peur de gagner le lieu de deuil en raison de craintes pour leur sécurité et vie», indique le communiqué. «Les hommes armés en uniforme de la police nationale congolaise (PNC) affectés sur place ont été retirés dans l’avant-midi du dimanche 20 janvier 2008. Le quartier semble être sous haute surveillance par des agents de sécurité civile et militaire en civil. Des mouvements insolites des personnes inconnues sont signalés ». Ne voyant pas la famille venir retirer le corps, l’hôpital se serait résolu de saisir le bourgmestre de Mont-Ngafula «pour l’évacuation régulière de la dépouille». Dans son communiqué, la VSV pointe du doigt la Présidence de la République laquelle exercerait, selon elle, une «pression sur les membres de famille paternelle et maternelle» au point que personne n’ose prendre le risque de retirer la dépouille en vue d’organiser les funérailles. Etrange et scabreuse affaire. Compte tenu de ces obstructions, l’association se dit, dès lors, sceptique sur les «chances de succès » de l’enquête ouverte par la police judiciaire sur ce dossier criminel. Comme pour démontrer que la mort de la dame Aimée Kabila est loin d’être un banal crime crapuleux, l’association énumère quelques faits.
Sifa Mahanya
On peut lire notamment ce qui suit : « Le 30 décembre 2005, Mme Aimée Kabila Mulengela a été enlevée à son domicile à Kinshasa/Ngaliema par des policiers des services spéciaux et des militaires de la Détection Militaire des Activités Anti-Patrie (DEMIAP), actuellement état-major des renseignements militaires et détenue pendant cinquante-deux jours sur ordre de son ex mari (Acte de Mariage n° 106 F°106 Volume : I/2005 du 25 février 2005), monsieur Alain Mayemba Bamba alias Barracuda qui aurait été appuyé par madame Sifa Mahanya, mère du président Joseph Kabila». Questions : Qui avait ordonné cette arrestation par des agents de cette unité spéciale de la police nationale, dirigée alors par le très redouté «colonel» ou «général» Raüs Chalwe, un proche parmi les proches de Joseph Kabila ? Pour quel chef d’inculpation? Pourquoi la prévenue n’a-t-elle pas été déférée devant les juridictions compétentes? Joseph était-il au courant des agissements de la police ? «Le 31 décembre 2005, au cachot des Services Spéciaux de la Police à Kin-Mazière, Gombe, son bébé de six mois, Victorine Aline Bamba est ravie des mains de Mme Aimée Kabila par un policier et porté disparu jusqu’à ce jour», peut-on lire. Notons que la VSV reproche à la Mission de l’ONU au Congo d’avoir refusé de faire droit à la demande de protection introduite par Aimée Kabila Mulengela.
Mesquinerie
En attendant de connaître l’identité du commanditaire de l’assassinat de cette dame, force est de relever que le caractère mesquin - pour ne pas dire médiocre – du contenu du communiqué publié par l’administrateur de la Maison civile de Kabila est un chef d’œuvre de la mesquinerie. L’homme a manifestement a raté l’occasion de se taire : « La Maison civile du chef de l’Etat renseigne que contrairement aux rumeurs répandues par une certaine presse, Madame Aimée Mulengela Koko, faussement présentée au nom de Aimée KABILA, n’est pas de la famille de M’zée Laurent Désiré KABILA. (…), la famille Laurent-Désiré Kabila n’a jamais été et ne sera jamais le siège d’un quelconque conflit d’héritage et Laurent Désiré Kabila a éduqué ses enfants dans la dignité et le principe de l’auto-prise en charge. Néanmoins, la Maison Civile du Chef de l’Etat déplore la perte tragique d’une vie humaine et présente ses condoléances aux familles Mulengela, Mazangala et Mayemba, tout en se réservant le droit de poursuivre en justice Madame Ghislaine Dupont.» La réaction du chef de la Maison civile est destinée manifestement à la journaliste Ghislaine Dupont de la Radio France internationale. C’est elle qui, la première, avait fait état d’un conflit d’héritage. Les semaines et mois à venir pourraient être riches en révélation ...
B. Amba Wetshi
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