Saturday, January 12, 2008

Le trafic d'armes au Congo - Kinshasa


Conflits en RDC: Révélations accablantes sur le trafic d’armes

Le Potentiel

Le Rwanda, la Libye, les pays de l’Europe de l’Est pointés du doigt par « GRIP ».
La circulation des armes en République démocratique du Congo et dans la région des Grands Lacs demeure un grand fléau. Un vaste réseau de transferts et de trafics est en place, violant ainsi chaque fois l’embargo contre les armes en RDC. Ce trafic d’armes constitue même l’une des causes principales des conflits armés en RDC et dans la région tant il est vrai que ce « commerce macabre» nourrit bien son monde. A ce sujet, le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, GRIP, installé en Belgique, principalement à Bruxelles, vient de publier une étude-rapport accablant sous la plume de Georges Berghezan, chercheur à GRIP. Il affirme dans ce document que cette situation persiste malgré toutes les résolutions de l’Onu. Il pointe ainsi du doigt le Rwanda, la Libye, les pays de l’Europe de l’Est, sans oublier bien sûr les anciens belligérants de la guerre d’agression de 1998-2003 en Rdc. En passant, il s’attarde sur les enjeux régionaux et internationaux au Congo-Kinshasa et dans la région des Grands Lacs, principalement entre la France et les Etats-Unis pour expliquer justement les raisons de l’inefficacité de cet embargo, maintes fois violé.

Au moment où à Goma on réfléchit sur la paix, la sécurité et le développement dans les deux provinces du Kivu, voilà qu’un rapport publié le 3 décembre 2007 à Bruxelles sur le réseau de trafic d’armes en RDC tombe bien à propos. Il donnera incontestablement de la matière à réflexion aux participants à cette table ronde pour qu’ils ne s’arrêtent pas à un examen superficiel de la situation. Bien au contraire, ce rapport constitue une véritable invitation pour qu’ils aillent au fond des choses car, une fois de plus, la République démocratique du Congo est au centre des enjeux régionaux et internationaux. Le transfert et le trafic d’armes vers la RDC illustre parfaitement cette situation.

En effet, dans sa « Note d’analyse » du 3 décembre 2007 publiée à Bruxelles, ayant trait aux « Transferts et trafics d’armes vers la RDC », le Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, GRIP, sous la plume de Georges Berghezan, chercheur au GRIP, affirme que jusqu’ en début 2007, « les allégations de trafic d’armes dans l’Est de la RDC » n’avaient pas cessé. Ce transfert et trafic se poursuivraient par les voies navale et aérienne. Selon l’étude menée par GRIP, l’embargo est intervenu tardivement alors que le « fléau » avait déjà pris des proportions inquiétantes avec la bénédiction de nombreux Etats, tant en Afrique, en Europe qu’aux Amériques. Le réseau se porte donc bien nonobstant les résolutions 1616 de 2005, 1698 de 2006, 1768 de 2007 et 1771 toujours de 2007, du Conseil de sécurité des Nations unies portant embargo des armes contre la République démocratique du Congo. Les armes ont continué à arriver et à circuler en grande quantité en République démocratique du Congo, principalement dans les deux Kivu et en Ituri, régions visées dans ces résolutions.

GRIP cite dans son étude les rapports des experts de l’Onu qui ont dénoncé à plusieurs reprises la violation de cet embargo, citant des noms des individus, des mouvements armés, des pays concernés par ces violations d’embargo. Malheureusement, aucune sanction n’a été prise. Le fléau demeure. Il continue à faire des victimes, à déstabiliser la région des Grands Lacs, à telle enseigne que de nombreuses initiatives de paix n’apportent pas encore de solution durable.

LE RWANDA, LA PLAQUE TOURNANTE

GRIP affirme dans sa Note d’analyse, s’appuyant sur son étude et les rapports des experts de l’Onu que le « Rwanda est au coeur des trafics ». Ce groupe affirme qu’un rapport non – publié « accusait le Rwanda d’avoir armé au moins jusqu’ en août 2003 des milices de l’Est de la Rdc. Au cours du 1er semestre 2004, de multiples informations ont fait état de livraisons d’armes en provenance du Rwanda. Le 5 mai 2004, la population de Goma a découvert une dizaine de camions qui venaient de franchir la frontière chargés d’armes et de munitions ». Et GRIP de poursuivre : « Le Groupe d’experts de l’Onu a conclu que le Rwanda violait les sanctions en apportant une aide directe et indirecte aux soldats mutins de Jules Mutebusi et Laurent Nkunda pendant leurs opérations militaires armées contre les FARDC. Et qu’en plus les rebelles rwandophones de l’Est congolais disposaient d’une filière d’approvisionnement en armes d’Afrique du Sud via le Rwanda ».

Des armes qui transitaient par le Rwanda, ne provenaient pas seulement d’Afrique du Sud, mais également des pays de l’Europe de l’Est : Arménie, Bulgarie, Russie, Bosnie-Herzegovine… Ainsi, en janvier 2006, les armes au profit de Nkunda et qui transitaient par le Rwanda, étaient d’origine bulgare dont une bonne partie était destinée au Nigeria. En plus, la milice « Local defense » de l’ancien gouverneur Serufuli recevait également des armes venant du Rwanda.

Outre le Rwanda, l’Ouganda est également cité, fournissant des armes aux milices de l’Ituri dans la province Orientale. Des armes en provenance de la Russie, de la Bulgarie, de la Bosnie-Herzegovine (ex-Yougoslavie), voire de la Chine dont les AK-47 chinoises retrouvées parmi le lot collecté par la Monuc à Bunia.

La Libye est également citée et accusée de livrer des armes et munitions au MLC de Jean-Pirerre Bemba depuis 2002. GRIP de s’interroger sur le fait que la même Libye, quelques années plus tôt « semblait soutenir le gouvernement de LD Kabila ».

Dans son étude, GRIP n’épargne pas le gouvernement de Kinshasa. Il affirme qu’un mécanisme « de prélèvement d’armes des stocks des FARDC au profit des FDLR » aurait été mis en place.

RIVALITE FRANCE- USA

S’attardant sur l’inefficacité des résolutions de l’Onu relative à l’embargo, GRIP cite le cas qui a opposé la France aux Etats-Unis pour des intérêts divergents. En effet, en avril 2005, la Résolution 1596 avait soulevé un débat houleux au Conseil de sécurité entre la France et les Etats-Unis. « Paris voulait étendre l’embargo aux pays voisins, en particulier l’Ouganda et le Rwanda qui avaient été accusés à plusieurs reprises par des experts de l’Onu et d’autres organisations d’entretenir des trafics d’armes vers le Kivu et l’Ituri. Washington ne voulait pas entendre parler d’embargo visant des alliés avec lesquels il entretient une coopération militaire étroite, dont un accord de soutien mutuel Kigali - Armée US datant d’avril 2004, et des manœuvres communes ougando-états-unisiennes s’étant tenues en août 2006 », lit-on dans cette Note d’analyse.

En conclusion, GRIP estime que « le respect de l’embargo est conditionné, d’une part, à une série de profondes réformes visant à restaurer pleinement l’autorité de l’Etat en RDC, et, d’autre part, à une attitude plus cohérente de la communauté internationale ». Et ce au regard « de multiples facteurs qui s’enchevêtrent et compliquent considérablement l’application effective de l’embargo ». GRIP demeure convaincu que si ces réformes visant à restaurer l’autorité de l’Etat en RDC ne sont pas acquises et que l’attitude de la Communauté internationale est incohérente, « le problème des transferts illicites de matériel militaire reste d’actualité en RDC et risque de le rester pendant longtemps encore ». Voilà un message qui doit absolument interpeller les participants à la Conférence de Goma.


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