Projet de loi sur le Conseil supérieur de la magistrature: l’indépendance de la magistrature en question
(Le Potentiel 19/12/2007)
La session extraordinaire s’ouvre à Assemblée nationale par l’examen du projet de loi portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature. Cet organe est constitutionnellement chargé de gérer le pouvoir judiciaire en RDC. A coup sûr, l’adoption de la loi, en discussion, permettra la mise en route d’importantes réformes attendues dans le secteur.
Plusieurs questions ont été soulevées, hier mardi, lors du débat engagé à l’Assemblée nationale sur le projet de loi portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature (CSM).
Après le travail abattu par la Commission politique, administrative et juridique (Paj), les députés ont apporté quelques amendements au projet initial de loi sur ce nouvel organe de gestion du pouvoir judiciaire, conformément à l’art. 152 de la Constitution. Pour l’essentiel, les questions relatives à son fonctionnement, à l’organisation, à la composition, au budget…ont été passées au peigne fin.
La loi portant organisation et fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature est d’une importance capitale tant il est vrai qu’une justice saine est l’un des gages d’un Etat de droit, respectueux des principes démocratiques. Aussi, la Constitution a-t-elle doté le CSM du pouvoir disciplinaire sur les magistrats, en l’instituant conseiller pour donner des avis en matière de recours en grâce.
A la suite des débats à la plénière de la chambre basse, hier mardi, il a été exprimé certaines inquiétudes quant à sa composition, par rapport à ses liens directs avec la désignation des membres de la Cour constitutionnelle.
En effet, la Constitution apporte plusieurs changements dans le domaine judiciaire. Alors que la Cour de sûreté de l’Etat disparaît, l’actuelle Cour suprême de justice sera éclatée en trois juridictions distinctes, à savoir : la Cour de Cassation, le Conseil d’Etat et la Cour Constitutionnelle. La création de cette dernière instance, en particulier, est prévue par l’article 157 de la Constitution. Comment fonctionnera-t-elle après l’éclatement de la Haute cour ?
DESIGNATION ACQUISE A LA MAJORITE
La Cour constitutionnelle, selon la Constitution, comprend neuf membres nommés par le président de la République, dont «trois sur sa propre initiative», trois désignés par le Parlement réuni en Congrès et trois désignés par le Conseil supérieur de la magistrature (art. 158).
A cet effet, la loi prévoit que les deux tiers des membres de la Cour Constitutionnelle doivent être des juristes provenant de la magistrature, du barreau ou de l’enseignement universitaire. Leur mandat est de neuf ans non renouvelable.
Par ailleurs, conformément à l’article 152 de la Constitution, qui prévoit la composition des membres du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), le président de la Cour constitutionnelle (élu par ses pairs pour une durée de trois ans) a préséance, au regard de sa position sur la liste, sur les autres membres.
Il pourrait, «de droit», assumer les fonctions de président du CSM, à moins que le législateur n’en dispose autrement. En attendant la loi organique en cette matière, le constituant ne s’est pas encore prononcé sur le mode de désignation du président du Conseil supérieur de la magistrature.
A y regarder de près, le mode de désignation des membres de la Cour constitutionnelle suscite des soupçons qui inquiètent aussi bien les politiques que les magistrats eux-mêmes. Echaudés par l’expérience, les uns et les autres craignent une nouvelle politisation qui pourrait compromettre l’indépendance de cette juridiction.
RESPECT DE LA LOI
En effet, s’il faut considérer que sur les neuf membres, six sont issus de la majorité au pouvoir – trois désignés par le président de la République et trois désignés par le Parlement, dont on connaît l’issue du vote – la future Cour constitutionnelle court les risques de subir des pressions politiques qui remettraient en cause son indépendance dans l’arbitrage de certains dossiers notamment ceux liés aux contentieux électoraux, l’une des attributions constitutionnelles dévolues à cette Cour. Cela aurait, sans aucun doute, des retombées sur le fonctionnement du CSM et, du coup, c’est toute l’indépendance de la magistrature qui sera remise en question.
Puisque le mode désignation de la majorité des membres répond partiellement aux affinités politiques, il convient, en dernier ressort, que le CSM se fie uniquement aux prescrits des textes des lois. Il y a ici lieu de dépasser les clivages politiques, les intérêts égoïstes et des calculs ad hominem, pour ne voir que «l’intérêt supérieur de la Nation », comme l’avait rappelé le chef de l’Etat, le 6 décembre 2007, dans son dernier discours sur l’état de la Nation devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès.
L’on se souviendra que Joseph Kabila avait sévèrement «sermonné» certains juges qui, au nom de l’indépendance de la magistrature, se permettaient beaucoup d’abus jusqu’à exceller dans la corruption. L’important, en votant la loi sur le CSM, c’est de faire fonctionner correctement la justice, quelle que soit la couleur politique des hommes qui présideront à sa destinée. Il appartient, enfin, à ces hauts magistrats d’œuvrer en âme et conscience pour redorer le blason de la justice en RDC. Ceci est de leur responsabilité personnelle.
Par Le Potentiel
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