Tuesday, December 25, 2007

LA CONFERENCE DE GOMA ET SES FACES CACHEES

La Prospérité

Vue par Laurent Nkunda, la Conférence sur la paix, la stabilité et le développement dans le Kivu est une réunion d’études. Ce n’est qu’une étape qui devait conduire à des négociations directes entre le CNDP et le Gouvernement.
C’est un Laurent Nkunda très sûr de lui qui a accordé, ce week-end, une interview à RFI. Une interview dans laquelle il se dit prêt à participer à la Conférence sur la paix, la stabilité et le développement dans les deux provinces du Kivu. A la seule condition qu’il soit officiellement invité. Pour Laurent Nkunda, ce qui va s’ouvrir ce 27 décembre dans le chef-lieu du Nord-Kivu est une réunion d’études pour déceler les causes de l’insécurité et en proposer des pistes de solution pour pacifier le pays. Nkunda a déjà un cahier des charges à opposer au Gouvernement. Sa principale revendication concerne les ‘‘forces négatives’’- rebelles hutu rwandais- à qui on aurait cédé officieusement une large portion du territoire national. Le général déchu et son groupe le CNDP entendent faire bon usage de la tribune qui leur sera offerte pour « dire la vérité » aux Congolais.
Une victoire tactique
Si Nkunda est invité, ce qui ne devait plus poser problème, Vital Kamerhe ayant déclaré solennellement qu’on ne peut faire la paix qu’avec ceux qui font la guerre, ce sera un grand pas franchi vers la reconnaissance nationale et internationale de son mouvement. Il y a peu, la Monuc qualifiait le CNDP d’un groupe illégal sans légitimité. Le même argument était repris par le Gouvernement pour rejeter toute idée de dialogue avec les insurgés. Après la Conférence de Goma, les lignes vont certainement bouger. En 1999, le MLC, le RCD et d’autres groupes armés qui se partageaient le territoire national, avaient acquis une certaine légalité et légitimité avec les Accords de Lusaka. Il en sera de même avec le CNDP. Là où Nkunda gagne, c’est lorsqu’il réussit à bouleverser le plan du Gouvernement sur le désarmement des groupes armés à l’Est du pays. Plus question de Nkunda d’abord. Celui-ci ne passera plus pour l’ennemi n°1. Ce sera désormais les FDLR. Il est fort probable que l’on exhume les accords de Kigali passés entre Kinshasa et le CNDP. Lesquels accords prévoyaient que l’armée coalise avec les militaires du CNDP pour traquer les FDLR. Pour ce faire, l’opinion au Kivu doit être préparée à avaler la pilule.
Le cessez-le-feu exigé par les Américains
Il y en a qui, naïvement, ont cru que la simple annonce de l’organisation prochaine d’une Conférence sur la paix, la sécurité et la stabilité pour le Kivu suffisait pour que les FARDC et les insurgés fidèles à Laurent Nkunda arrêtent de se tirer dessus. Il y en a aussi qui espéraient que le fait pour la Monuc de défendre la ville de Goma, les cités de Sake et de Rutshuru constituait la fin de la guerre. Faux de bout en bout. Les observateurs militaires sont unanimes : il faut que toutes les parties en conflit décrètent un cessez-le-feu. Il faudrait que cesse également la propagande hostile que se font les belligérants. Rien dans ce sens n’est fait jusque-là. On attendait peut-être que les USA prennent le dessus. C’est ce qui vient de produire. Dans une déclaration du Département d’Etat, les ‘‘Etats-Unis recommandent vivement au Gouvernement de la République Démocratique du Congo ainsi qu’à tous les groupes armés de décréter immédiatement un cessez-le-feu inconditionnel dans les Kivu. Une telle action protégera la population civile et permettra à toutes les parties de participer plus efficacement à la Conférence sur la paix, la sécurité et la stabilité’’. On note une nette évolution de la position américaine sur la guerre sans merci qui se déroule dans la province du Nord-Kivu. Il y a peu, l’Administration Bush reconnaissait au Gouvernement de Kinshasa la légitimité d’utiliser ses forces armées contre tous les groupes armés dans le but d’étendre son autorité sur l’ensemble du territoire national. A Laurent Nkunda, il lui était demandé de déposer les armes, de démobiliser ses hommes, de se rendre ou de s’exiler. L’usage de la force par Kinshasa s’est révélé contre-productif. Nkunda et ses hommes ont confiance en leur capacité de nuisance et en imposent aux FARDC et à la Monuc. On comprend que les USA ne font pas abstraction de l’évolution de la situation militaire. C’est aussi ça le réalisme américain. Toutefois, le changement de ton de la diplomatie américaine laisse perplexe. Lorsque le Président Joseph Kabila est rentré dernièrement de Washington où il a rencontré son homologue américain, George Bush, la presse pro pouvoir avait abondamment parlé en bien de cette visite que l’on qualifiait de franc succès. En tout cas, on ne tarissait pas d’éloges. Qu’est-ce qui s’est passé ? Faut-il lire dans ce revirement des USA une façon de corriger Kinshasa pour le raté d’Addis-Abeba ? Allusion faite ici à la conférence sur la paix dans les Grands Lacs présidée, début décembre dans la capitale éthiopienne, par la Secrétaire d’Etat Condoliza Rice, à laquelle ont pris part le Burundais Buyoya, l’Ougandais Museveni et le Rwandais Kagame sans le Congolais Joseph Kabila.
Est-ce une victoire diplomatique du puissant lobby tutsi ? Sachant que Ruberwa a fait une fructueuse tournée dans des universités américaines pour défendre la cause de sa communauté ?

Alfred Mwari
La Prospérité


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