Thursday, December 13, 2007
Du sang dans nos portables
Ce titre n’est pas le nôtre. Nous le devons à un confrère de Paris-Match qui vient de séjourner dans nos deux provinces du Nord-Kivu et du Sud-Kivu et qui a fait la semaine dernière son témoignage sur les antennes de Rfi.
Ce confrère, Patrick Forestier est son nom (nous croyons ne pas nous tromper sur la personne et sur la transcription de son nom) a vécu personnellement la tragédie de ces deux provinces. Notamment les effets des indécisions, bien mieux, de l’hypocrisie ou de la complicité d’une certaine communauté internationale.
Concrètement, il a constaté que l’exploitation et le trafic du coltan continuent de se faire sans discontinuer comme dans le bon vieux temps de la guerre d’agression. Autrement dit, en ce qui concerne particulièrement ce minerai–l’or, l’ivoire, etc. ne sont pas oubliés– les deux Kivu sont et demeurent le Far West et la plaque tournante de naguère, comme l’avaient fait observer les Rapports Safiatou et Kassem du Conseil de sécurité sur le pillage et l’exploitation illégale des richesses congolaises. Le coltan, soit dit en passant, est abondamment utilisé dans la fabrication des téléphones portables.
Au centre de l’action d’exploitation et de trafic de ce coltan, se trouvent en amont, précise Patrick Forestier, entre autres, les légendaires génocidaires rwandais de 1994 établis, depuis lors, dans l’Est de la Rdc, les éléments de l’insurgé Laurent Nkunda et naturellement aussi les autres bandes armées résiduelles qui pullulent dans la région. Grâce notamment au produit de vente de ce minerai, les uns et les autres se procurent les armes de la mort.
A cet égard, le confrère indique que des avions, petits et moyens, généralement de type Antonov, atterrissent et décollent à Goma et à Bukavu, matin, midi, soir sous la barbe des éléments des Nations Unies installés dans cette partie de notre pays. Il montre, dans la foulée, que de nombreuses sociétés occidentales, dont celles de droit belge, sont impliquées dans cette mafia de la mort. Non sans noter que celles-ci ont abandonné le circuit de vente en Europe pour se tourner vers l’Asie et plus principalement vers la Chine.
Il peut être compréhensible qu’il soit difficile pour le gouvernement congolais de réduire rapidement et définitivement les forces négatives à l’origine du drame qui prévaut dans les deux Kivu. La qualité de l’armée nationale et de son armement, l’organisation et les moyens de l’Etat congolais, d’une part, les appuis extérieurs multiples et complexes, de l’autre, dont bénéficient, à des degrés divers, certaines de ces forces sont ceux que nous connaissons et déplorons amèrement. Cependant, ce qui n’est pas ou pas assez compréhensible, c’est l’inaction des autorités congolaises pour juguler ce commerce de la honte et de la mort. Jusqu’à preuve du contraire, en effet, ces avions sont tout sauf des objets volants non identifiés (Ovni). Ils appartiennent à des compagnies qui ont pignon sur rue. Jusqu’à preuve du contraire encore, rien n’interdit les services compétents de la République de contrôler chaque fois qu’il est nécessaire leurs chargements et de les bloquer au cas où ils s’avèrent illicites. Et de solliciter la justice pour faire le reste du travail. Il y a des raisons si rien de tout cela n’est fait.
La conclusion de Patrick Forestier, à ce sujet, est que la corruption héritée de la IIème République continue à se mieux porter en Rdc. Cette conclusion est celle aussi de tout observateur des réalités congolaises. Elle est la nôtre également. Il semble que sans Nkunda– pour ne parler que de lui dans ce cas précis– au Nord-Kivu, il n’y a point de travail (non Nkunda, non job). Comprenons par cela que la funeste aventure des forces négatives dans l’Est de notre pays ne nourrit pas que ceux qui la mènent au quotidien. Ainsi, la tragédie et le phénomène de deux pas en avant et de trois en arrière à la base de l’enlisement de l’armée nationale dans cette partie de notre pays trouvent là une autre partie de leur explication. Trouvent aussi la leur certaines de ces villas futuristes qui poussent comme des champignons à Kinshasa comme à Goma et à Bukavu, certaines de ces limousines surréalistes dans un pays où, pour le plus grand nombre, l’unique et minable repas de la journée est une véritable manne du Ciel et nous en passons les meilleurs.
Xavier Mirindi Kiriza
L'Observateur, via mediacongo.net