(20 minutes 06/12/2007)
Des combats violents se sont intensifiés dans le Nord Kivu dans l'est du Congo où la situation humanitaire est dramatique. La population, prise en étau, fuit et s'entasse dans des camps. Notre questions-réponses pour comprendre.
OU SE TROUPE LE NORD-KIVU?
C'est une région située dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), riche en minerais et en or. Echappant en partie au contrôle du régime de Kinshasa dirigé par Joseph Kabila, cette zone a vu de nombreux miliciens hutus rwandais s'y réfugier après le génocide de 1994 mais également des groupes paramilitaires ougandais. Depuis plusieurs mois, des combats violents s'y déroulent. Mais, confirme Coralie Lechelle, responsable de Médecins sans Frontières, «ils ont repris de plus belle» depuis plusieurs jours. L'armée régulière a en effet pris mercredi la ville stratégique de Mushake aux mains des rebelles.
QUI AFFRONTE QUI?
Trois acteurs principaux s'affrontent.
- Les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR). Dans leurs rangs se trouvent des génocidaires de 1994.
- Les 4.000 soldats tutsis rebelles menés par le général Laurent Nkunda. Ils se présentent comme les défenseurs de la population tutsie congolaise contre les hutus. Laurent Nkunda accuse l'armée régulière congolaise de protéger ses ennemis, ce qu'elle dément.
- L'armée régulière congolaise appelée Forces armées de République démocratique du Congo (FARDC), dirigée par le général Dieudonné Kayembe. 20.000 hommes sont déployés depuis octobre dans le Nord Kivu pour combattre les proches de Laurent Nkunda.
QUELLE EST LA POSITION DE LA COMMUNAUTE INTERNATIONALE?
Les diplomates, notamment américains, appellent le général Nkunda à déposer les armes, ce que demande également l'ONU. Mais le militaire pose des conditions : il exige notamment le rapatriement de 40.000 Tutsis congolais qui se trouvent dans des camps situés au Rwanda et en Tanzanie. Mais l'opinion publique congolaise souhaite sa neutralisation.
Seul espoir : un accord signé le 8 novembre entre la RDC et le Rwanda (dirigé par le tutsi Paul Kagamé), garanti par les Américains, prévoit le désarmement et le rapatriement des hutus du FDLR avant le 1er décembre. Ce qui ne justifierait plus la lutte de Laurent Nkunda. En attendant, la mission de l'ONU en RDC, la Monuc, dont 4.500 soldats sont déployés au Nord Kivu, se dit prête à appuyer militairement l'armée congolaise «en dernier recours», en plus du soutien tactique et logistique déjà fourni aux loyalistes.
QUEL BILAN HUMAIN?
Durant les douze derniers mois, quelque 405.000 Congolais ont été forcés de quitter leurs maisons, dont plus de 170.000 depuis le mois d'août selon l'UNHCR. Les civils fuient en particulier les exactions qui ont redoublé au cours des dernières semaines. L'afflux de réfugiés dans des camps pose des difficultés sanitaires, jusque dans la province voisine du Sud Kivu. Coralie Lechelle confirme que les ONG font face à des épidémies de rougeole et de choléra.
Des recrutements forcés de mineurs, des exécutions arbitraires, de nombreux cas de pillage ainsi que quelques cas de destruction intentionnelle d'infrastructures essentielles à la survie de la population (principalement des réseaux d'approvisionnement en eau) ont été rapportés, selon la Croix-rouge.
Un groupe de fugitifs, les Rastas, issus des rangs hutus, se distinguent par sa cruauté. Selon leurs victimes, ces rebelles, qui portent des dreadlocks et des vêtements sportifs, attaquent toute personne sur leur chemin, kidnappent les femmes qu'ils mutilent et vont jusqu'à brûler les bébés.
Mais le conflit se distingue surtout par le viol qui se pratique à une échelle inégalée dans la région et de façon systématique. L'association Malteser International estime à 8.000 le nombre d'agressions sexuelles en 2007, contre 6.338 l'année dernière. Différentes ONG rapportent des cas de viols sur des «femmes» de 3 à 75 ans. Selon Malteser International, 70 % des femmes de la ville de Shabunda auraient subi des sévices sexuels. Quand elles s'en sortent vivantes, les victimes qui osent venir jusqu'à l'hôpital présentent des blessures atroces, certaines ayant l'appareil génital et même digestif détruits par l'introduction d'armes ou de bâtons, raconte même le gynécologue Denis Mukwege cité dans le «New York Times».
Lionel Healing AFP ¦ Des villageois fuient les combats au Nord-Kivu en République démocratique du Congo, le 21 octobre 2007 à Kibumba
A.Sulzer
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