Monday, December 10, 2007

CONGO - BRAZZAVILLE: LA JEUNESSE INCOSCIENTE, LA SEXUALITE PRECOCE, ET LE VIH/SIDA


Photo: IRIN

Près d'une jeune maman sur trois a eu sa première grossesse entre l'âge de 14 et 15 ans
BRAZZAVILLE, 10 décembre 2007 (PlusNews) - Assise à l’entrée de la salle de triage de l’hôpital de base de Mfilou, un quartier ouest de Brazzaville, la capitale congolaise, Elie Kitombo, 17 ans, enceinte de quatre mois, est venue faire vacciner son fils aîné, âgé de deux ans et demi, contre la rougeole.

« Faute de soutien, j’ai quitté l’école [très jeune] », a-t-elle expliqué à IRIN/PlusNews en Kituba, l’une des deux langues nationales parlées au Congo. « Le seul appui conséquent que j’ai eu, c’est mon copain. A mon avis, pour rester longtemps lui avec et préserver les chances d’un mariage, il me faut lui donner des enfants le plus rapidement possible ».

« La procréation n’est pas un métier ; mais je la préfère à l’oisiveté », s’est-elle justifiée, soulignant que « dans le pays, trouver une source de revenu, même dans le secteur informel, est devenu un casse-tête ».

A la question de savoir si elle avait effectué un test de dépistage du VIH, Elie a répondu qu’elle n’en avait pas l’intention.

Cette jeune fille est loin d’être la seule dans cette situation au Congo, selon une étude publiée récemment par le ministère congolais de la Promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement sur les « connaissances, attitudes, pratiques et comportements des adolescents face à la sexualité, la procréation et le VIH/SIDA ».

Financée par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance avec l’expertise technique de l’organisation non gouvernementale Association congolaise pour le bien-être familial, cette enquête, menée auprès de plus d’un millier d’adolescents, garçons et filles, dans plusieurs des principaux centres urbains du pays, a révélé que la majorité des filles avait eu son premier rapport sexuel entre 12 et 15 ans, et à 14 ans pour les garçons.

Près d'un tiers des grossesses avant 15 ans

Parmi les jeunes mères, 31,3 pour cent ont connu leur première grossesse entre 14 et 15 ans, selon le document, qui s’est inquiété des conséquences de la précocité des rapports sexuels et des grossesses sur la propagation de l’épidémie.

« Des mauvais comportements sexuels exposent les adolescents aux infections [sexuellement transmissibles, IST] et au sida » a souligné l’étude, qui a défini ces comportements comme « entre autres, des rapports sexuels précoces, la non utilisation systématique du préservatif, le recours à des excitants et de l’argent en échange des rapports sexuels ».

Une inquiétude renforcée par le fait que 23 pour cent des filles et 19 pour cent des garçons interrogés se sont dits hostiles à l’utilisation du préservatif, affirmant qu’il « diminue le plaisir et présente un risque de stérilité ».

« Les filles qui utilisent une méthode contraceptive sont plus nombreuses que les garçons » a noté l’étude : 32,1 des jeunes filles sexuellement actives « utilisent essentiellement l’abstinence sexuelle », mais 22,9 pour cent optent pour le simple contrôle du cycle et seules « 16,2 pour cent pour l’utilisation du condom ».

Cette précocité des rapports sexuels, Jean-Baptiste Ngoubili, chef de l’hôpital de base de Mfilou, l’a également constatée.

« Les jeunes filles de moins de 20 ans occupent 70 à 80 pour cent des lits d’accouchement des hôpitaux », a-t-il dit à IRIN/PlusNews, précisant que son service social était souvent sollicité pour voler au secours des jeunes mères souvent dépourvues de tous moyens.

L’étude ne donne pas de taux de séroprévalence parmi ces jeunes, mais les autorités se sont dites convaincues que la situation socio-économique difficile, conséquence des années de conflits qu’avait connu ce pays au cours des dernières années, pouvait laisser craindre une hausse des taux d’infection.


Photo: Laudes Martial Mbon/IRIN
Entre 70 et 80 pour cent des lits d'accouchement dans les hôpitaux sont occupés par des jeunes filles âgées de moins de 20 ans
D’après la dernière enquête sentinelle réalisée par le Conseil national de lutte contre le sida avec le concours de la Banque mondiale, le taux de prévalence du VIH au Congo s’élèvait en 2003 à 4,2 pour cent, la tranche d’âge comprise entre 15 et 49 ans étant la plus exposée au VIH et aux IST.

Le ministère de la Santé, des affaires sociales et de la famille, a indiqué que les autorités s’apprêtaient à réaliser une nouvelle étude nationale pour « mettre à jour des statistiques vieillissantes » et « rétablir la situation ».

Une opération nécessaire, étant donné les indications d’un rajeunissement de l’âge du premier rapport sexuel, selon M. Ngoubili. « Il est évident qu’aujourd’hui, les adolescents constituent la couche la plus reproductive au Congo. Donc leur situation de séroprévalence ne peut pas être la même qu’il y a 10 ou 15 ans ».

Se rejetter la responsabilité

Lorsqu’il s’agit d’expliquer ce phénomène, les jeunes, les parents et les autorités se rejettent la responsabilité. « La vie sexuelle précoce des jeunes filles congolaises est liée à une situation de conjoncture », a avancé Laetitia Matassa, 16 ans, élève dans un lycée technique, faisant référence à la pauvreté qui oblige parfois les jeunes filles à devoir trouver rapidement un soutien financier.

« Elle peut être justifiée », a-t-elle estimé, ajoutant cependant que « quelque part, elle est condamnable parce qu’elle ne constitue guère une solution en soi. Seul le travail peut aider la jeune fille à assurer son indépendance et à surmonter ses peines ».

Pour le lycéen Idriss Mbani, la raison de cette précocité des rapports est plus simple. « Quand l’adolescent a atteint l’âge de la puberté, l’acte [sexuel] s’impose en lui et devient même une obligation », a-t-il estimé.

Caroline Ngassaki, mère de famille nombreuse, a pointé du doigt les défaillances du système national d’éducation, « seul cadre d’apprentissage et d’éducation des enfants » devenu « une coquille vide », selon elle, obligeant les parents à recourir à des établissements privés coûteux, qui laissent une partie des jeunes sur le bord de la route et exposent les autres à la tentation.

Des accusations rejetées par les autorités. « L’éducation de l’enfant commence à la maison. C’est la seule solution au problème de la jeune fille dans son ensemble », a estimé Beka Elenga Olebé, directrice départementale de la promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement. « Aujourd’hui, les parents ont démissionné et l’éducation des jeunes a pris un coup ».

Quelle que soit la complexité des causes à l’origine de ce phénomène, l’enquête a en tout cas permis de confirmer que « la santé sexuelle des adolescents reste un défi au Congo », selon le document.

Jeanne-Françoise Leckomba Loumeto-Pombo, ministre de la Promotion de la femme et de l’intégration de la femme au développement, a émis l’espoir que ce document permette de « répondre à un souci majeur [du ministère], celui d’aider la jeunesse en général et la jeune fille en particulier à mieux contrer sa vulnérabilité face au VIH/SIDA ».

lmm/ail
IRIN


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