Friday, December 7, 2007
La RD-Congo choisit le troc avec la Chine
(La Croix 07/12/2007)
La RDC a conclu un accord inédit avec la Chine, dont le montant faramineux marginalise l'aide internationale classique.
Annoncé en septembre, le projet, et surtout son montant, cinq milliards de dollars (3,4 milliards d’euros), ont jeté un pavé dans le marigot des bailleurs de fonds de la République démocratique du Congo (RDC).
En concluant un accord avec un consortium chinois prévoyant l’échange direct de concessions minières contre la construction d’infrastructures routières et ferroviaires, l’ex-Zaïre tente un autre modèle d’aide au développement, s’apparentant à du troc. Sans tourner pour autant le dos à ses partenaires, dont l’Union européenne qui a débloqué 533 millions d’euros pour la RDC sur la période 2002-2007.
« Notre pays sort d’une longue période dictatoriale et de deux guerres, explique Pierre Lumbi, ministre des infrastructures, des travaux publics et de la reconstruction. Reconstruire demande des moyens énormes. Or, nous n’avons été jusqu’ici accompagnés que par des bailleurs “classiques”, qui nous proposent des recettes faites pour alléger les souffrances mais pas pour relancer la croissance. En outre, le taux de décaissement de l’aide est ridiculement bas, généralement de 20 à 30 %. »
Une idée venue d'Angola
L’idée de se tourner vers la Chine est venue d’Angola, principal allié régional du pouvoir congolais. Luanda avait obtenu, en 2005, un prêt chinois de 2 milliards de dollars pour financer la construction de ponts, de routes, de trois nouvelles lignes ferroviaires et d’un grand aéroport. En retour, Luanda s’était engagé à attribuer aux entreprises chinoises 70 % des contrats pétroliers.
Ce schéma était inapplicable par la RDC, dont la dette à l’égard des institutions financières, FMI (Fonds monétaire international) et Banque mondiale, est importante. Les remboursements représentent actuellement 750 millions de dollars par an, soit près de la moitié du budget de l’État, et Kinshasa s’efforce d’obtenir une annulation de cette dette dans le cadre de l’initiative « Pays pauvres très endettés ».
D’où l’idée de cet accord, dont l’État congolais serait le parrain mais non le bénéficiaire, afin d’éviter l’accusation de réendettement. « Il s’agit d’une sorte de troc, dans le souci de ne pas alourdir la dette de la RDC, explique l’ambassadeur de Chine, Wu Zexian. Le FMI et la BM veillent attentivement, ce qui est normal. Mais aucune organisation internationale, aucune coopération étatique ne peut combler le manque de fonds de la RDC dans la mesure de ses besoins. »
Concrètement, la China Eximbank, banque publique chinoise, va avancer les fonds destinés aux mines concédées, dont la principale, une mine de cuivre, doit produire à terme 400 000 tonnes de métal par an. Les chantiers devraient démarrer début 2008, et les mines tourner à plein régime en 2009. Au menu de la « première étape » de quatre ans : 3 500 kilomètres de routes à goudronner, et 3 200 kilomètres de chemin de fer reliant la région minière du Katanga au port de Matadi, dont 1 000 nouveaux – ceux que les colons belges n’avaient pas achevés à l’Indépendance.
Priorité à la main-d’œuvre congolaise
Les partenaires occidentaux de la RDC, dont les entreprises minières qui ne voient pas leurs concessions menacées par le projet chinois, observent avec curiosité. « Je ne suis pas choqué, indique un diplomate européen. Les Chinois ont besoin de matières premières, ils viennent les chercher. La RDC a de tels problèmes à régler qu’il n’y a pratiquement rien à dire. »
Certains s’inquiètent toutefois mezza voce du flou entourant le futur accord, dont le budget devrait en fait dépasser les 11 milliards de dollars (7,5 milliards d’euros), et pourrait bénéficier très largement à la Chine. L’État congolais devrait toucher 240 millions d’euros de pas-de-porte, à partager entre le gouvernement et la Gécamines, société publique représentant le Congo dans la future joint-venture, plus des taxes.
Promesse a été faite de donner la priorité à la main-d’œuvre congolaise – « elle coûte moins cher que la main-d’œuvre chinoise », affirme Wu Zexian – mais l’expérience des autres grands chantiers chinois en Afrique laisse sceptique.
Du côté de la société civile congolaise, on observe sans hostilité. « Il n’y a pas de commune mesure entre ce que la communauté internationale débourse et ce que les Chinois promettent, remarque le P. Rigobert Minani, animateur d’un réseau d’ONG d’inspiration chrétienne. Or, le gouvernement doit trouver de l’argent quelque part, sinon il est menacé par la grogne de la rue. »
Laurent d'ERSU à Kinshasa
06/12/2007 20:30
La Croix
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