Friday, December 7, 2007
TOUJOURS DES PROMESSES, PAS DES REALISATIONS CONCRETES: LE DISCOUR DU PRESIDENT CONGOLAIS
Adresse de Kabila à la nation : Aucun bilan mais toujours beaucoup de promesses
(Le Révélateur 07/12/2007)
Joseph Kabila s’est refusé de dresser un bilan car, dit-il, une année c’est à la fois peu et beaucoup. Peu, au regard de l’immensité du territoire mais beaucoup par rapport au mandat, s’est-il justifié. ‘‘Mieux qu’il y a un an et beaucoup mieux qu’il y a 15 ans’’, tel est l’état de la Nation aujourd’hui, selon la lecture qu’en a fait le président de la République s’adressant jeudi 6 décembre à la Nation devant le Parlement réuni en Congrès, à l’occasion de l’an un de son mandat.
Dans un discours de près d’une heure axé sur la sécurité et la situation à l’Est, Joseph Kabila n’a pas manqué d’épingler l’Economie et la situation de la Justice et des Droits de l’Homme, qu’il a reconnue catastrophique.
Kabila qui a soigneusement évité d’établir un bilan, a tout de même relevé quelques points positifs qu’il tient à mettre à l’actif de son gouvernement. Parmi lesquels, les deux nouveaux hôpitaux inaugurés cette année dans la partie Est de Kinshasa. Le premier est l’œuvre de la star congolaise du NBA, Jean-Jacques Mutombo Dikembe et le second est le fruit de la Coopération chinoise et qui date de la Transition.
Qu’à cela ne tienne, pour une ville de 8 millions d’habitants, ces deux structures représentent une goutte d’eau dans la mer. En plus, on ne se souvient pas avoir entendu dans l’énumération, faite par la Star de la NBA lors de l’inauguration de l’Hôpital Biamba Marie Mutombo, que le gouvernement congolais faisait partie des actionnaires de cette formation médicale. Bien que le ministre de la santé ait eu à citer cet Hôpital, qui a coûté USD 30 millions à son initiateur, parmi les réalisations des cinq chantiers du Chef de l’Etat.
Quant à la situation de la Nation, le président a évoqué la pacification du pays. Seulement, deux des 145 territoires que compte la RDC demeurent dans les conflits. Et, une décennie d’affiler, le nombre de réfugiés interne n’a cessé d’augmenter. Aujourd’hui, près d’un million s’entassent dans les camps de fortune.
Dans les 143 autres territoires, c’est la misère. Personne ne peut dire aujourd’hui percevoir ne fut-ce que le bout du tunnel. Que représente l’augmentation des salaires des enseignants évoquée (USD 70 à payer début 2008 au moins gradé), puisqu’il faut tenir compte de l’inflation, de l’augmentation du nombre d’enseignant et des détournements des fonds organisés au niveau du ministère de l’Enseignement primaire et secondaire et des inspections ?
Qui parmi les congolais vivant dans les 143 territoires pacifiés de Kabila peut affirmer avec lui que le Congo va mieux qu’il y a un an et beaucoup mieux qu’il y a 15 ans ? Y avait-il autant de déplacés de guerre il y a 15 ans qu’aujourd’hui ? Autant de femmes violées qu’aujourd’hui ? Autant d’hommes, de femmes et de jeunes frappés par la famine qu’aujourd’hui? Un tel flux de personnes marchant le long des trottoirs faute de moyen de transport ? Etc.
Une occasion manquée
Le président de la République a promis de réformer en toute priorité la Justice du pays, gangrenée par le favoritisme, la concussion et la corruption. En plus, il n’existe aucune sécurité judiciaire et juridique pour les affaires, a-t-il réaffirmé, maintenant que le pays doit s’ouvrir aux capitaux étrangers pour sa reconstruction et pour soutenir les 5 chantiers du gouvernement. Ainsi, concernant notre arsenal juridique, le fonctionnement de la Justice, ‘‘sans réforme urgentes et courageuses dans ce secteur, tous nos autres efforts sont vains et sans lendemain’’, a-t-il annoncé. Il vise de parvenir à l’indépendance et au bon traitement des magistrats en sorte que ‘‘les décisions de justice deviennent justes’’.
Seulement, en reconnaissant la défaillance de cette justice, Joseph Kabila approuve également toutes les critiques formulées par l’Opposition sur le sérieux et l’équité de l’appareil judiciaire de notre pays. C’est cette Justice qui traque le sénateur Jean-Pierre Bemba et le maintient en exil forcé. La déclaration du chef de l’Etat, en tant que magistrat suprême, consacre la nullité de la démarche du parquet contre le sénateur Bemba. Ainsi, pour appuyer sa promesse de réformer en profondeur le secteur de la Justice, Joseph Kabila aurait saisit l’occasion pour réconcilier les Congolais avec eux-mêmes en répondant aux attentes des Congolais sur la situation de son challenger à la présidentielle 2006 avec qui il n’avait pas de problèmes mais que son retour au pays dépendait de la Justice.
Kabila a tout de même été gratifié par un standing ovation soutenu par des encore, naturellement de l’Opposition politique lorsqu’il a balayé la proposition de sa famille politique de modifier la Constitution. ‘‘Je ne peux en finir avec les réformes juridiques sans nous mettre tous en garde contre la tentation de vouloir régler tout dysfonctionnement éventuel des institutions par une révision constitutionnelle’’, a-t-il déclaré. ‘‘En principe, la loi fondamentale d’un pays ne devrait être modifiée qu’en cas d’extrême nécessité et uniquement dans l’intérêt supérieur de la Nation’’, a-t-il expliqué. Les observateurs ont apprécié le geste du président qui refuse d’agrandir son cercle d’action, bien qu’ayant une majorité ayant accepté aveuglement de modifier la Constitution.
La sécurité, impératif et urgence
‘‘Vu où nous en étions il y a à peine un an, je me réjouis cependant de pouvoir rapporter ce jour que la pacification du pays est aujourd’hui acquise sur la quasi-totalité du territoire national’’, a déclaré le président de la République, fort d’avoir fait sauter le verrou de Mushaki, qui ouvre la voie vers Kitchanga. Kabila a brossé la souffrance de ‘‘nos frères et sœurs du Nord et du Sud-Kivu (qui) ont trop souffert, victimes de viols, vols, assassinats et exactions diverses’’ de la part d’un ‘‘général déchu’’ et ‘‘des éléments résiduels des groupes armés incontrôlés, nationaux et étrangers’’.
Kabila s’est montré formel et déterminé, galvanisé par la perspective de vite en finir avec Nkundabatware. ‘‘Nous devons impérativement et urgemment mettre fin à ces souffrances. Ce sera bientôt chose faite, quoiqu’il en coûte’’, a-t-il promis, tout en félicitant notre ‘‘jeune armée’’ pour sa bravoure car ‘‘dans des conditions extrêmement difficiles, elles accomplissent honorablement leur mission’’. Reconnaissant les travers fort regrettables de certains de ses éléments incontrôlés, Joseph Kabila a eu le courage de présenter des excuses du gouvernement. ‘‘La justice militaire a été instruite de les identifier et de les punir sévèrement’’.
Obligation de résultat
‘‘Pour la première fois dans notre histoire, le peuple congolais pourra enfin voir à quoi aura servi son cobalt, nickel ou cuivre’’, a promis Joseph Kabila qui sait que la population souffre des effets pervers de la mauvaise gouvernance qui s’est installée au pays.
Le président de la République a défendu ses 5 chantiers, ce qui n’est, selon lui, ‘‘ni un slogan, ni une utopie. C’est un projet, mieux, c’est un contrat passé avec le peuple’’, a-t-il défini. Le chef de l’Etat compte sur des capitaux frais chinois en échange des matières premières dont la Chine exprime sa boulimie. Sans doute, c’est la raison pour laquelle son adresse a ressemblé à un vaste discours qu’aurait fait un candidat lors d’une campagne électorale devant des électeurs ayant perdu tout espoir et tout goût à la vie.
Comme dans son discours d’investiture d’il y a une année, Kabila est revenu sur une catalogue de promesses sans que rien ne se fasse concrètement. Conscient de cet état de chose, Kabila rassure : ‘‘Nous avons une obligation de résultat et il nous faut trouver des ressources financières pour matérialiser les chantiers sur terrains’’.
Le Révélateur
L’opposition exprime son scepticisme
Le président de la Commission politique et juridique de l’Assemble nationale, le MLC Delly Sessanga pense que ce discours ‘‘est un discours rituel auquel nous devons nous habituer’’. Pour lui, les projets n’ont pas encore démarré et ‘‘le gouvernement n’arrive pas à animer la vision que vend le président de la République. Et c’est un problème.’’ Quant à la question de la Révision de la Constitution, Sessanga pense que le président a eu une position d’homme d’Etat. ‘‘Il a été au dessus de la mêlée, a suivi les débats, a compris les préoccupations qui étaient celles de l’opposition… S’il devait maintenir cette position, ce sera une première dans l’histoire et il aidera beaucoup les générations à venir’’, a indiqué Sessanga qui a qualifié le discours de responsable.
Et le secrétaire général du MLC de renchérir : ‘‘Nous avons remarqué que le chef de l’Etat a une vision pour le pays, il a donné des indications mais force est de constater qu’en ce qui concerne l’année 2007, il n’y a pas eu l’instrument indispensable à la mise en œuvre de toutes ces idées’’. Pour François Mwamba donc, le problème, ce n’est pas le chef de l’Etat. ‘‘Le problème c’est que lorsque le chef de l’Etat indique la voie, il faut un vrai chef de gouvernement qui prenne tout cela à bras le corps et le traduire dans les faits. Ça nous a manqué’’, a déploré le député de Kabeya Kamwanga. Mais François Mwamba affirme avoir trouvé le président beaucoup plus à l’aise ‘‘lorsqu’il a fallu faire de nouvelles promesses, dire ce qui va se passer, au sujet des routes à construire, des hôpitaux, mais c’était les mêmes promesses il y a une année et il n’y a pas eu de gouvernement pour le faire’’. ‘‘D’où viendra le miracle pour que ce qu’on nous dit aujourd’hui en terme de promesse puisse se faire’’, s’est-il interrogé. ‘‘D’où notre scepticisme’’, a-t-il conclu.
vendredi 07 décembre 2007
Le Révélateur
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